Pourquoi ne pas le dire sincèrement ? L’invraisemblable désordre qui désorganise actuellement la campagne présidentielle est particulièrement inquiétant à l’heure où le pays fait face à des échéances redoutables. Le général de Gaulle, en dotant notre pays d’un véritable équilibre institutionnel, avait établi le chef de l’État comme garant suprême de notre unité, au-delà du système des partis qui avait fait le malheur des précédents régimes. Or, les conditions dans lesquelles se prépare l’élection du président de la République, au lieu de contribuer à cette unité, renforcent l’affaiblissement de la légitimité de celui qui devra l’incarner. De plus, c’est l’ensemble du dispositif, avec la cohérence de la représentation nationale, qui risque d’être atteint, ainsi que le remarque Jacques Julliard dans Le Figaro de lundi. Ceci nous ramènerait à l’ambiance de la Quatrième République finissante, sans la possibilité du recours de 1958.
Encore une fois, cette déstabilisation est d’autant plus malvenue que la société française va mal et que, sans le secours de son armature institutionnelle, elle risque d’aggraver ses contradictions qui ne sont nullement conjoncturelles. Notre ami Damien Le Guay vient de publier à ce propos un essai au titre très alarmant, qui devrait nous secouer : La guerre civile qui vient est déjà là (Éditions du Cerf) : « Une nation, écrit-il, est avant tout un principe spirituel qui fait fondre les antagonismes communautaires dans une proposition collective partagée et portée par tous. » C’est ce principe même qui se trouve fragilisé, quand il n’a pas tout simplement éclaté à la suite d’une évolution constante depuis les dernières décennies.
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