La cité de la Castellane, où a grandi Zinédine Zidane. © Anne-Christine Poujoulat
Au fond, en quarante ans, rien n’a vraiment changé à Marseille, où je suis née. Au début des années 1970, quand j’étais à l’école primaire de la Timone, un quartier ouvrier à l’est de Marseille, il n’y avait certes que deux enfants issus de l’immigration dans ma classe. Le mercredi, avec mon père, nous allions chercher ces fillettes dans le bidonville derrière l’école pour les emmener en promenade. Aucune mère n’était voilée et les pères travaillaient au port autonome en tant que dockers. Comme la plupart des autres Maghrébins, ils avaient été encouragés par le gouvernement à venir en France pour pallier le manque de main-d’oeuvre.
Mais, en 1976, sans concertation ni vision politique, le «regroupement familial» est décrété par le président Valéry Giscard d’Estaing: les compagnies françaises, Renault en tête, ont fait pression sur l’Etat pour que les ouvriers ne retournent plus chez eux, stabilisant ainsi la main-d’oeuvre. Grâce aux aides sociales, ils font alors venir leurs familles nombreuses qui importent leurs us et coutumes et recréent l’esprit communautaire à l’intérieur des cités.
A cette époque, cependant, la cohabitation entre familles ouvrières est sereine: il y a du travail pour tous. On s’invite, on s’échange des recettes… En cette fin des Trente Glorieuses, personne n’imagine qu’un chômage endémique va toucher la France et que les premières victimes seront les pères maghrébins et africains.
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