À deux jours des élections législatives, on a relu Simone Weil afin de comprendre pourquoi il vaudrait mieux supprimer ces grandes machines pour sauver la pensée.
Après avoir consacré les primaires comme mode d’organisation défendu par les deux grands partis de gouvernement français – le Parti socialiste (PS) et les Républicains –, la présidentielle de 2017 aura rebattu les cartes de façon significative, en désignant comme vainqueurs Emmanuel Macron et son très jeune mouvement, En marche !. Un brouillard s’est abattu sur la scène politique hexagonale. D’un côté, les primaires ont l’air de s’être installées dans le processus démocratique ; de l’autre, les deux principaux partis de gouvernement ont été évincés du second tour de l’élection la plus importante du pays – après avoir eu recours à ces mêmes primaires, contrairement aux deux partis ayant atteint le second tour. D’un côté, Emmanuel Macron, nouveau visage de la politique, est fréquemment présenté comme celui qui va bousculer les codes ; de l’autre, il symbolise parfaitement le « milieu de l’omelette » telle que la décrivait Alain Juppé, c’est-à-dire la réunion de la gauche et de la droite « raisonnables », face aux « extrêmes qui n’ont rien compris au monde ».
Difficile, pour le moment, de tirer des conclusions sur le rôle qu’auront à jouer, dans le futur, les partis politiques. Mais une constante demeure : ces emblèmes de la démocratie représentative ne sont pas aimés. En accumulant scandales financiers, « petits arrangements » et manipulations en tout genre – et ce jusqu’à récemment, lors des primaires du PS –, les partis politiques ont vu la confiance des citoyens s’éroder et leurs militants déserter. Alors que La France insoumise et En Marche ! semblent relever d’une logique quelque peu différente de celle des partis traditionnels, peut-être est-il temps de tirer définitivement un trait sur ces organisations. C’est ce que proposait Simone Weil dès 1940, dans sa Note sur la suppression générale des partis politiques. L’ouvrage, qui s’accompagne d’un avant-propos de Jacques Julliard, d’une préface d’André Breton et d’une postface d’Alain, vient d’être réédité aux éditions Climats-Flammarion. Ce petit essai est un bijou de radicalité, qui tient à prendre le mal que constituent les partis à la racine. En effet, pour la philosophe, les partis politiques sont ontologiquement mauvais : ce sont « des organismes publiquement, officiellement constitués de manière à tuer dans les âmes le sens de la vérité et de la justice ».
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