Réduite au rang de slogan publicitaire, la devise de la République française ne pouvait connaître d’autre sort, car elle était habitée dès l’origine par d’intenables contradictions. Mais sa nature cachée, que percèrent rapidement à jour les critiques maurassienne et marxiste, recèle une implacable cohérence : l’avènement d’une (fausse) liberté vidant l’humanité de sa substance pour mieux l’asservir.
Les indigènes de Mélanésie pratiquèrent longtemps le culte du cargo, croyant qu’il suffisait d’imiter les Blancs et d’agiter les bras sur une piste tracée à la hâte au sol pour y voir se poser d’immenses oiseaux d’acier au ventre chargé de provisions. Reproduisant avec une conviction acharnée ces gestes qu’ils pensaient être à l’origine des miracles que les colons semblaient faire advenir sans difficulté, ils devaient ressembler aux orateurs politiques du XXIe siècle, qui s’acharnent à répéter de laborieuses incantations républicaines dont ils espèrent encore qu’elles provoqueront l’effet attendu, sans davantage pressentir la vacuité de leurs formules que les indigènes ne soupçonnaient l’existence de la science aéronautique. À cet égard, la devise « Liberté, égalité, fraternité » représente la prière la plus désespérée mais aussi la plus emblématique du vaudou républicain, car chacun des concepts qui la composent devient dangereux une fois érigé en principe politique. L’opposition historique à la doctrine libérale n’a jamais manqué d’en critiquer la perversité.
La liberté célébrée comme principe est un oxymore. L’homme réellement libre qui proclamerait sa liberté à ceux qui l’entourent avouerait par là même n’être pas réellement affranchi d’eux – et craindre qu’ils ne la lui ôtent. C’est précisément parce qu’elle ne commence que là où celle des autres s’achève que Marx écrit de cette liberté-là qu’elle « n’est pas fondée sur la relation de l’homme à l’homme, mais sur la séparation de l’homme avec l’homme ». Maurras ajoute : « La liberté comme principe fondamental veut tout juger en droit, elle se vante toute seule de créer la liberté de chacun, mais cet individualisme annule les individus. »
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