Bérénice Levet: «La passion judiciaire nous habite et le passé ne nous apparaît plus que comme coupable». Crédits photo : JULIEN FALSIMAGNE
Mardi dernier, le 28, se saisissant de la condamnation unanime par les médias français des événements de Charlottesville déclenchés par la décision de la municipalité de destituer la statue du ségrégationniste Général Lee, et la dénonciation non moins unanime du racisme persistant des Américains, de l’attitude des «suprémacistes blancs», le très prévisible président du Conseil Représentation des Associations noires de France (Cran), Louis-Georges Tin, publiait dans Libération une tribune intitulée «Vos héros sont parfois nos bourreaux» – précisons que la nuance n’est pas de Tin lui-même ; pour lui, il n’y a pas de «parfois»: «Vos héros sont nos bourreaux», écrit-il.
Dans cette tribune, il somme le peuple français de procéder à son examen de conscience, de prendre acte de sa propre complaisance envers «les négriers», et réclame des édiles une vaste politique d’épuration urbaine: débaptiser les noms de rues, déboulonner les statues et, parmi les cibles visées par le militant, un nom se détache, nullement choisi au hasard tant la charge symbolique est forte, celui d’une des grandes figures de l’histoire de France: le nom de Colbert. «Lequel des deux pays est le plus problématique, feint de s’interroger Tin, celui où il y a un conflit autour de la statue d’un général esclavagiste, ou celui où il y a l’Assemblée nationale une statue de Colbert, une salle Colbert, une aile Colbert au ministère de l’Économie, des lycées Colbert, des dizaines de rues ou d’avenue Colbert sans qu’il y ait le moindre conflit, la moindre gêne, le moindre embarras?»
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