Depuis la dialectique de Socrate, la pensée occidentale vit en couple. La géopolitique, dont Thucydide peut être considéré comme l’initiateur, n’échappe pas à cette règle. Il a mis en lumière l’opposition entre terre et mer dont il a fait le plus célèbre de ces couples et qui a nourri la réflexion des géopoliticiens allemands et anglo-saxons. On peut le regretter car il a évincé tous les autres, déjà présents chez Thucycide – force/ruse, paix/guerre, dominants/dominés, forts/faibles… et, enfin, amis/ennemis.
Efficace quand il faut agir car elle simplifie, la pensée binaire ne permet pas de bien appréhender le réel. Elle laisse de côté l’entre-deux et l’ailleurs. Après l’affrontement (pacifique celui-là) entre stratèges anglo-saxons et allemands pour savoir qui l’emporte de la terre ou de la mer, Spykman démontre le rôle décisif du contact entre les deux éléments, les régions littorales ou, selon sa formule, le rimland. Voilà pour l’entre-deux. La conquête de la troisième dimension a fait émerger les puissances aériennes et aérospatiales, sans parler du cyberespace – voilà pour l’ailleurs. Les stratèges chinois nous ont habitués à ces dépassements qui valent pour tous les couples évoqués.
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