Le grave conflit qui a éclaté chez les gardiens de prison, à la suite des exactions que certains d’entre eux ont subies de la part de détenus radicalisés, ne peut être considéré comme de nature locale ou sectorielle. Il a une dimension sociale et politique d’ordre général. Celle-ci n’est pas circonscrite par la seule question du radicalisme djihadiste, mais elle oblige à une sorte de ressaisissement à propos de nos conceptions de la justice, de la répression des crimes et de la nature de l’enfermement carcéral. C’est vrai qu’un certain romantisme soixante-huitard en a pris un vieux coup. Je me souviens d’avoir interrogé Michel Foucault à propos de l’action qu’il avait menée en faveur des détenus dans le cadre de son Groupe d’intervention sur les prisons. L’auteur de Surveiller et punir, le grand livre publié en 1975, qui avait eu une influence considérable sur la perception de l’appareil judiciaire par toute une génération – et pourquoi ne pas le dire ? sur moi-même –, m’avait paru sur la réserve.
Que dirait-il aujourd’hui de la violence qui met sans cesse en danger un personnel désarmé aussi bien moralement que physiquement ? C’est une dimension tragique qui s’est réinvitée chez nous et face à laquelle les bons sentiments humanitaires paraissent dérisoires. De ce point de vue, on ne peut séparer cette violence de la situation générale du pays, avec ses divisions et parfois ses scissions. Robert Redeker a bien raison de souligner que la prison reproduit ces divisions avec la provenance des détenus et celle du personnel, celui-ci issu de la France périphérique en déshérence économique.
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