Quelle ruse de l’Histoire que le retour de Charles Maurras au premier plan du débat intellectuel, au moment même où l’hebdomadaire fondé par ses amis politiques en 1947, longtemps dénommé Aspects de la France puis renommé L’Action française 2000, disparaît des kiosques. Un hebdomadaire dans lequel il s’exprima lui-même jusqu’à sa mort en 1952. Toute la question est de savoir si une pensée élaborée dans les dernières années du XIXe siècle, sur fond de Félibrige mistralien, de positivisme comtien, d’affaire Dreyfus et d’anti-germanisme, conduisant à une synthèse audacieuse entre royalisme et nationalisme, a quelque chose à dire à notre temps.
Mettons les pieds, voire la tête, dans le plat: la pensée de Maurras et l’héritage de l’Action Française ont pâti et pâtissent toujours d’une tare originelle, l’antisémitisme d’État (terme revendiqué par Maurras) qui, bien que très différent du racisme biologique hitlérien, a participé d’une entreprise criminelle par un soutien inébranlable à l’État français du maréchal Pétain. La déconnexion du réel du Maurras de la période 1940-1944, quelles qu’en soient les raisons, et l’absence d’aggiornamento de ses héritiers officiels, quelles qu’en soient là encore les justifications, ont participé de cette descente aux enfers et de cet enfermement de la pensée maurrassienne dans la geôle des infréquentables et des maudits.
Maurras avait les habits pour incarner le socle d’un conservatisme à la française.
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