Les militaires parlent du « brouillard de la guerre » : ils désignent ainsi l’incertitude qui affecte les combats et que Clausewitz comparaît au brouillard, mais aussi au clair de lune ; les deux phénomènes déforment les réalités et les brouillent, elles empêchent de décider avec lucidité. À l’époque où Clausewitz écrivait, le terrain où les armées s’affrontent constituait l’essentiel de ce « brouillard ». Le champ de bataille n’est pas une carte que l’on surplombe et où tous les éléments apparaissent clairement, il est encombré de reliefs, de végétations, d’obstacles qui bloquent la vision et empêchent de distinguer l’ennemi. D’où l’importance autrefois de la cavalerie légère qui éclairait l’avant et les flancs de l’armée pour mieux voir et être informé, sans empêcher des batailles dites de « rencontre » quand on tombait sur l’ennemi sans l’avoir prévu, à Solférino par exemple.
Il existe une autre façon de comprendre l’expression. Elle concerne les doctrines stratégiques ; ce n’est plus l’espace mais le temps qui brouille la vision. Que sera la guerre de demain ? Grande bataille « à l’ancienne » ? Cyberconflit et désinformation ? Guérilla et petite guerre ? Choc nucléaire ? Hybride associant toutes les armes et toutes les méthodes ?
Les affrontements entre états-nations, les «grandes batailles», semblent avoir disparu, croit-on. La dernière grande guerre entre Israël et des pays arabes a eu lieu en 1973, le conflit entre le Royaume-Uni et l’Argentine de 1982 et celui qui a opposé Inde et Chine de 1962… Dans ce dernier cas, la possession de l’arme atomique par les deux protagonistes rend impossible aujourd’hui le retour de la guerre, semble-t-il, et l’idée vaut pour bien des affrontements. Grâce à l’atome, l’heure serait à d’autres formes de conflits, petite guerre, cyber-conflits ou affrontements hybrides, sans parler de la guerre économique qui relève d’une autre logique.
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