Carte postale. Collection particulière.
En février 1913, Charles Maurras, écrivain provençal et dirigeant du mouvement ultranationaliste d’Action française (AF), est condamné par le tribunal correctionnel de Versailles à 8 mois de prison et 200 francs d’amende pour avoir frappé un gendarme lors d’une manifestation royaliste1. Par voie épistolaire, une adolescente se présentant comme jeune militante d’Action française s’adresse alors à lui dans les termes suivants :
« Mon cher Maître,
Permettez à une de vos jeunes ligueuses de vous exprimer son admiration sans bornes pour le geste superbe que vient s’élancer vers vous en témoignages d’ardente sympathie toute la France royaliste dont vous êtes le chef vénéré. Vous ne pouvez savoir dans quel enthousiasme vous venez de jeter tous les fidèles du roi. Par les paroles si simples dans leur grandeur dont vous avez cinglé le Juif infâme qui venait de vous condamner odieusement, vous avez réveillé dans le cœur de bien des indifférents ce sentiment de patriotisme que l’affreux régime actuel cherche à étouffer par tous les moyens. […] Et moi qui, au milieu d’une famille entièrement hostile à vos idées, n’ait d’autre amie d’autre consolation que votre Action française, je vous renouvelle l’expression de mon dévouement inaltérable et de ma profonde admiration […] Vive le roi.
Une petite ligueuse de seize ans qui prie chaque jour pour le retour à Dieu de la plus belle âme de notre siècle2. »
Formulé ainsi, ce témoignage d’admiration s’élève contre les poncifs relatifs à l’engagement des femmes en politique. Relevons d’une part l’hostilité proclamée au « Juif infâme »3 et la condamnation du régime républicain qui inscrivent cette profession de foi antidémocratique et antisémite dans un registre argumentatif s’opposant au stéréotype de la modération politique des femmes. Cherchant à attirer l’attention de Maurras sur son isolation au sein d’une famille ne partageant pas ses croyances et ses idéaux politiques, cette toute jeune ligueuse met directement en cause une autre idée reçue : celle de la subordination des femmes en politique. Etudier l’engagement des femmes d’extrême droite implique donc de remettre en cause ces préjugés particulièrement tenaces lorsqu’on travaille sur cette frange de l’échiquier politique4.
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