L’inscription «Aux grands hommes, la Patrie reconnaissante» figure sur la façade du Panthéon à Paris. LUDOVIC MARIN/AFP
Des parents d’élèves et des élus de gauche se sont dressés pour empêcher qu’un lycée, à Carquefou, portât le nom d’une très grande figure de la Résistance, Honoré d’Estienne d’Orves. En l’occurrence, la tentative de censure – un peu comme Staline effaçant des photos les alliés et compagnons passés de saison – était idéologique: cette gauche reprochait à ce héros ses penchants monarchistes. Ces incultes eussent préféré, selon leur aveu, que cet établissement s’appelât lycée Hubert Reeves, ou bien lycée Michel Serres – noms tout à fait estimables, convenons-en. A Marseille, les élus de gauche viennent de refuser qu’une place devienne Place Arnaud Beltrame, au motif que ce nom risquerait de choquer une partie de la population. Manifestement, la France d’aujourd’hui, surtout celle de gauche, a du mal avec ses héros. Un constat s’impose: cette France se livre sans pudeur aux idoles – des chanteurs, des sportifs, des animateurs télé – et fuit les héros, qui ont donné leur vie pour elle.
Nous vivons le temps des idoles. Des idoles fabriquées dans des usines affectées à cet effet: les industries planétaires du divertissement, dont la télévision, la radio, et internet, fournissent les trois principaux distributeurs. Ce sont des idoles bien peu exigeantes: elles ne dérangent pas notre confort, elles nous endorment, nous ensommeillant dans la consommation passive. La critique pascalienne du divertissement s’applique: ces idoles nous éloignent du cœur de la vie humaine, de l’important, de ce qui différencie l’homme des bêtes. La vie humaine n’est pas la vie domestique, a noté Hannah Arendt. Mais c’est quoi, demandera-t-on, une vie humaine? C’est une vie dont le but n’est pas la survie, mais la liberté. Et la liberté, c’est quoi, continuera-t-on? C’est l’empire sur soi-même, la mise-à-distance de ses envies et désirs, la capacité de renoncement. Être libre, c’est échapper à la domination des désirs.
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