De la journée de samedi, on n’a retenu que la violence. Une violence pourtant présente depuis le début de la révolte. Aurait-on franchi un degré de plus dans la transgression de l’ordre, de l’ordre dit républicain ? Il est vrai que l’intrusion dans la cour d’un ministère, avec le bris de la porte d’entrée par un véhicule de chantier, constitue un acte hautement symbolique. Mais il y a surtout la persistance d’une révolte que n’ont pu arrêter les mesures prises par le gouvernement ainsi que la promesse d’un vaste débat public où à peu près rien ne serait tabou. On pourrait avoir l’impression que cette violence bien réelle est la violence du désespoir, celle que Houellebecq met en scène dans son roman, en montrant que la cause de l’agriculture française est définitivement perdue.
Ce serait terrible de considérer que cette violence-là est le seul débouché de la révolte. Et pourtant, on est contraint d’admettre que l’ampleur du défi dépasse de très loin les médiations habituelles. Dans Le Figaro, Jacques Julliard, qui est pourtant très en colère contre certains aspects de haine sociale qui se sont exprimés de manière alarmante, n’en met pas moins l’accent sur ce qui donne aux Gilets jaunes une légitimité profonde et surtout ce qui confère à leur mouvement quelque chose qui dépasse les arbitrages raisonnables. Dans les profondeurs de la population, et notamment de la France périphérique s’exprime, dit Julliard, le ressentiment des humiliés et des offensés face à la mondialisation.
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