La proposition de loi visant à « lutter contre la haine sur internet » n’intéresse pas seulement la commission des lois de l’Assemblée nationale. Elle intéresse tous les citoyens qui s’interrogent sur leur espace de liberté d’expression, au-delà des juristes qui se demandent si l’arsenal législatif ne suffit pas largement à prévenir et à punir tout débordement de paroles dangereuses. Cette proposition inquiète aussi vivement ceux qui craignent qu’elle soit attentatoire à la liberté d’expression. C’est le cas de l’écrivain et avocat François Sureau, qui s’est largement exprimé sur le sujet dans un entretien au Figaro : « La haine relève du for intérieur. Elle ne saurait pour cette raison faire l’objet d’une répression pénale (…) Le législateur s’arroge désormais le droit de pénétrer dans les consciences et que celles-ci soient mal inspirées ne change rien à l’affaire. »
Je partage la crainte de François Sureau et pourtant je m’inquiète depuis longtemps des débordements que l’on peut trouver sur les réseaux sociaux. Cela dépasse l’imagination. C’est comme si on assistait sans cesse à un concours de surenchère dans l’invective et l’injure. Pour ne donner qu’un seul exemple, j’ai vu un cardinal français comparé à Eichmann, l’organisateur des convois vers les camps de la mort. Quand les chiens sont lâchés, il n’y a plus de limite à l’expression du ressentiment. Alors faut-il sévir, faut-il renforcer les moyens de la répression ? Eh bien non. Comme François Sureau, je préfère les désagréments de la parole libre à l’obsession de surveiller et punir, pour reprendre la formule de Michel Foucault.
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