Tout d’abord un aveu. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour éviter de parler de ce qu’on appelle pudiquement l’arrêt des soins à Vincent Lambert. Je voulais absolument parler d’autre chose et j’ai tenté de m’évader dans toutes les directions possibles. Et cela sous le lâche prétexte que je n’avais pas à répéter la conviction que j’ai déjà exprimée. Pourquoi redire une fois de plus mon sentiment : priver un être humain de son alimentation pour précipiter sa mort constitue un acte d’une extrême violence. Que les parents de Vincent Lambert refusent de toute leur force cette violence me paraît participer d’une réaction humaine plus que légitime. Bien sûr, on rétorquera à cela que toute une partie de la famille est de l’avis contraire et n’a de cesse de réclamer la fin de ce qu’elle considère être une sorte de non-vie. Les arguments des uns et des autres ont été répétés à satiété et sont encore repris sur toutes les chaînes d’info.
Le plus gênant dans cette affaire, c’est qu’elle nous oblige à braver les limites de la pudeur en nous appropriant un drame intime. On ne peut faire toutefois l’économie de ce qu’elle a d’exemplaire et de ce qu’elle formule du nouveau monde qui est en train de naître, notamment sous l’emprise des techniques les plus sophistiquées. Nous sommes bel et bien projetés dans une autre condition humaine, contre laquelle nous ont mis en garde quelques prophètes qui avaient nom Georges Bernanos, Gunther Anders, Jacques Ellul, Ivan Illich auxquels j’ajouterai la personnalité singulière de Philippe Muray. Muray si attentif à définir ce qui nous projetait au-delà de l’histoire.
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