par Antoine de Lacoste
En limogeant le faucon Bolton, Trump met fin à la doctrine du changement de régime hostile.
John Bolton ne sera donc resté que 18 mois à son poste de conseiller à la sécurité nationale.
Sa nomination avait surpris et inquiété. Bolton est en effet un des faucons les plus intransigeants du monde politique américain. Farouche partisan de la calamiteuse intervention militaire en Irak, il n’avait jamais exprimé le moindre regret à ce sujet tandis que Trump qualifiait cette aventure de « pire des pires décisions jamais prises. »
Mais son influence s’est érodée au fil des mois, notamment en raison de son goût addictif pour « les frappes », délicieux euphémisme pour qualifier un bombardement. Bolton voulait notamment bombarder la Corée du Nord au moment où Trump commençait ses négociations.
Toutefois, c’est surtout l’affaire vénézuélienne qui l’a déconsidéré aux yeux du président américain.
Bolton a œuvré pour un coup d’État qui chasserait le président vénézuélien, Nicolas Maduro, au profit de Juan Guaido, le président de l’Assemblée nationale. Refusant de reconnaître le résultat de l’élection présidentielle qui vit la réélection de Maduro avec 68% des voix, Guaido s’est alors autoproclamé président de la république. Il n’avait même pas été candidat à la présidentielle contestée mais les États-Unis le reconnurent aussitôt, docilement suivis par une cinquantaine de pays.
Mais Guaido multiplia les erreurs et l’armée, un moment hésitante, resta fidèle à Maduro.
Trump, qui avait suivi de près l’affaire, fut ulcéré par cet échec assez ridicule et, depuis, Bolton était en sursis.
C’est bien sûr le dossier iranien qui sonnera le coup de grâce du faucon. Bolton voulait en effet bombarder les installations nucléaires iraniennes (pas vraiment nucléaires mais passons) et naturellement tenter d’organiser un changement de régime.
Trump ne le suivait sur aucune des deux idées. Un changement de régime dans un pays de 80 millions d’habitants est tout de même une opération à très haut risque ; de plus la solution de rechange était, comme d’habitude, loin d’être claire. Quant au bombardement, il aurait bien sûr entraîné des réactions dont les alliés américains dans le Golfe auraient subi les conséquences. Trump n’a d’ailleurs pas souhaité réagir à la destruction d’un drone américain : à partir de là, la messe était dite.
Bolton a publiquement critiqué la stratégie de Trump et, bien sûr, ce dernier ne pouvait l’accepter plus longtemps.
Au-delà des péripéties des dossiers vénézuélien et iranien, ce limogeage (par tweet bien sûr) en dit long sur l’évolution de la pensée américaine en matière de relations internationales. L’interventionnisme effréné des Bush en Irak et de Clinton en Serbie semble appartenir au passé. Obama avait esquissé ce changement de cap (en Syrie notamment au grand dam de François Hollande) et Trump le poursuit, malgré sa haine d’Obama.
En réalité deux facteurs justifient cette nouvelle stratégie : l’opinion publique américaine, lassée des interventions répétées et l’apparition de nouveaux acteurs dont il faut tenir compte, c’est-à-dire la Russie et la Chine.
Trump crie, menace mais préfère finalement négocier que frapper. Heureuse évolution dont on espère qu’elle soit appelée à durer.