Jean Sévillia : « Contre l’Eglise catholique, il y a trop de généralisations abusives et de mensonges par omission » – Jean Sévillia
Depuis quand l’Eglise catholique est-elle, pour reprendre votre expression, « en procès » ? Qui en furent les premiers procureurs ?
A s’en tenir aux temps modernes, la polémique contre l’Eglise catholique occupe une grande place, dès le XVIe siècle, chez les théologiens protestants qui recourent notamment à des arguments historiques en critiquant les croisades, l’Inquisition, la colonisation espagnole et portugaise dans le Nouveau Monde, le rôle et le faste de la cour pontificale, etc. Le même argumentaire est ressorti, actualisé, par les penseurs des Lumières au XVIIIe siècle. Au XIXe siècle, le rationalisme, le scientisme et les théoriciens des courants d’idées issus de la Révolution française se conjuguent pour mener un combat frontal contre l’Eglise, accusée de complicité avec l’ancien monde. Là encore, des pages entières de l’histoire nourrissent la controverse : il en sera de même, au XXe siècle, avec les partisans du matérialisme, du marxisme et de l’ultra-laïcisme qui mettront en exergue des épisodes du passé susceptibles de décrédibiliser le catholicisme. Mais en remontant plus haut dans le temps, depuis le Discours contre les chrétiens du philosophe romain Celse, au IIe siècle, jusqu’aux critiques de l’Eglise romaine par les auteurs byzantins à partir du XIe siècle, on s’aperçoit que les polémiques contre le christianisme ou entre les différentes confessions chrétiennes recourent constamment à des arguments ou à des images tirées du passé. Ce n’est donc pas d’aujourd’hui que datent les procès intentés à l’Eglise sur la base de son histoire.
Quels sont les principaux chefs d’accusation lancés contre l’Eglise ?
Ils touchent aux rapports entre la religion et le pouvoir, entre la religion et l’argent, entre la religion et la science, entre la religion et la liberté collective ou individuelle. Mais s’agissant d’une religion bimillénaire représentée par une institution présente sur toute la terre, même si l’histoire du catholicisme est intimement liée à l’histoire de la civilisation occidentale, le champ est si large qu’il importe d’opérer les distinctions chronologiques, géographiques et culturelles nécessaires pour discerner ce qui relève de la réalité, de faits objectifs, ou d’accusations lancées à partir de préjugés, d’idées toutes faites, de réflexes idéologiques antichrétiens ou de conformisme à l’air du temps, celui-ci, actuellement, n’étant guère favorable à l’Eglise catholique. Il s’avère de plus que notre époque se caractérise par une indifférence religieuse croissante, mais attend que les chrétiens se comportent de manière exemplaire, sauf à être taxés d’hypocrisie, ce qui est assez logique.
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