Jacques Chirac, héritier ET liquidateur du gaullisme | Atlantico.fr
Atlantico : Le gaullisme représentait alors presque toute la droite. En quoi De Gaulle avait-il réussi à redonner à la droite une assise idéologique, après la Seconde Guerre mondiale qui l’avait durement éprouvée ? Sur quels fondements ?
Christophe Boutin : Il serait sans doute un peu long, et bien délicat, de revenir sur l’origine du gaullisme et sur la reconstruction par Charles De Gaulle de la droite française après la Seconde guerre mondiale. Il faudrait en effet rappeler un contexte que nous avons oublié, celui de la France fracturée de 1944, de ces collaborateurs, de droite ou de gauche – que l’on se souvienne de Marcel Déat et Jacques Doriot –, qui s’étaient, pour des raisons différentes, ralliés au national-socialisme. Mais rappeler aussi cet immense espoir qui, comme d’ailleurs après le premier conflit mondial, souleva les Français, une fois la page tournée, et donna cet élan qui bouleversa notre économie. Se souvenir aussi que, revenu au pouvoir en 1958 après l’échec des partis de la IVe République à se tirer du bourbier des guerres de décolonisation, perdue en Indochine, en cours en Algérie, de Gaulle est pour des Français, las des divisions politiques et de l’impuissance des gouvernements, l’homme fort qui réconcilie derrière lui tous ceux qui souhaitent qu’on en termine – mais un « réconciliateur » qui provoque aussi par sa politique de nouvelles divisions qui manqueront de peu de lui coûter la vie.
Quelles sont les parts de nostalgie et de réalité dans l’image que nous avons d’une France gaulliste puissante et respectée ? Comme souvent se le demander est secondaire : l’image qui l’emporte est celle d’une volonté d’indépendance et de souveraineté nationales qui se manifeste sur tous les plans par ces grands projets initiés à l’époque. La France est alors cette puissance qui entend jouer un rôle sur la scène internationale avec une industrie d’armement performante, avec sa force de frappe nucléaire aux composantes terrestre, aérienne, et surtout maritime, les sous-marins nucléaires. Elle est cette puissance visant à l’indépendance sinon à l’autarcie en agroalimentaire ou en énergie – grâce, là encore, à sa maîtrise du nucléaire mais aussi de l’hydroélectricité. Celle des grands projets structurants (autoroutes, aéroports, voie ferrée). Et celle de la progression réelle et continue du niveau de vie des Français, accédant aux équipements ménagers, à la voiture, à la télévision, avec un chômage qui n’affecte pas la population.
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