Une statue en bronze représentant 140 migrants sur une embarcation a été érigée à l’occasion de la 105e journée mondiale du migrant et du réfugié. Cette statue a été installée place Saint-Pierre au Vatican. Cette décision a fait réagir. Certains y voient un très beau signe de fraternité, d’autres au contraire un signe de démagogie. Quel est votre point de vue ?
Je crois que c’est ni la fraternité ni la démagogie que ce groupe sculpté signifie, mais une nouvelle conception de l’Église. L’Église jusqu’à maintenant été l’arche du salut pour les individus et les sociétés. Son rôle, historiquement dans cette religion de salut qu’est le christianisme, est de prêcher ce salut spirituel, ce salut surnaturel. Or, beaucoup d’hommes d’Église ont été sensibles à la philosophie de Polnareff, vous savez : « on ira tous au paradis, même moi ». La question du salut est complètement démonétisée aujourd’hui. Parmi les intellectuels, elle ne signifie plus rien.
C’est la marque de l’insignifiance de sa mission d’origine qui a poussé l’Église à devenir quelque chose comme une O.N.G., une organisation non gouvernementale, au service de causes. Ces causes sont choisies et il ne me revient pas de juger de la légitimité du choix de cette cause des migrants. Il y a dans ce phénomène beaucoup de détresse et tous les migrants ne sont pas des agresseurs, même si dans le contexte social actuel ils sont perçus comme tels, et on peut le comprendre. La question n’est pas tellement le choix de tel ou tel sujet, mais le fait que l’Église soit en quête de sujets auxquels se dévouer. Ce qu’on appelle en latin instrumentum laboris, pour le synode amazonien qui aura lieu à Rome dans quelques jours, c’est exactement la même démarche avec un autre thème, celui de l’écologie. L’Église se met au service de la cause écologique, comme elle se met au service de la cause des migrants.
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