Par Michel MICHEL
Changement d’heure ! Vais-je arriver une heure avant ou une heure après le début de la messe ? Qui doit modifier le réglage des aiguilles de l’horloge ? Mon épouse l’a-t-elle déjà rectifiée ou non ? Journée vaporeuse dominée vaguement par le décalage horaire. Sans doute, le passage à l’hiver est-il moins pénible que l’heure d’été qui nous prive d’une heure de sommeil… Voilà le malaise imposé à tout un peuple désorienté par la perturbation de ses repères temporels.
Fiction totalitaire car la vérité de l’heure nous est donnée par le soleil : il est midi lorsque le cadran solaire m’indique que l’astre est à son zénith et non lorsqu’un gouvernement le décide.
L’heure n’est pas qu’une convention nominaliste, elle est une limite que la nature impose à tous les habitants d’un même méridien. C’est une impiété de faire croire que l’homme, arbitrairement, puisse disposer des bornes du temps. Une impiété contre l’ordre de la création et donc une impiété contre le Créateur. L’heure variable selon les saisons est à l’heure cosmologique ce que la fausse monnaie est à l’or.
Tiens, les écolos ne protestent même pas contre ce blasphème conceptuel contre la Nature qui consiste à faire passer une décision politique pour un processus naturel.
Toutes les idéologies totalitaires tentent de convaincre que leurs décisions ne sont pas seulement bienfaisantes mais qu’elles procèdent d’une nécessité « naturelle » qui inévitablement doit s’imposer. Les progressistes sous-entendent que l’évolution des mœurs est « forcément heureuse », qu’elle est une « libération » des droits individuels, mais surtout que c’est un « processus inévitable ». Le darwinisme social arrange les libéraux, les nazis comme les communistes pour qui le triomphe du Bien (« le camp du Bien ») procède d’un mécanisme inéluctable : le libre marché, la sélection naturelle ou la lutte des classes…
Le monde de la modernité qui prétend tout fonder sur la liberté humaine absolutisée (et donc les contrats) est en réalité une tentative pour substituer à l’imperfection de la conscience humaine la perfection des machineries. Remplacer la conscience du Roi par une constitution, le sens clinique des soignants par des protocoles, le savoir- faire des artisans par des « process » industriels, le sens moral par des lois et des règlements…
Des conventions jamais vraiment négociées entre ceux auxquels elles s’appliquent, des contrats théoriquement approuvés mais jamais lus (comme dans les assurances ou quand vous utilisez un logiciel).
Faute d’avoir une autorité les pédagogues veulent faire admettre aux élèves la fiction d’un contrat écrit d’avance par l’Administration.
La décision appartient aux cryptocraties (pouvoirs cachés). Elle appartient aux « experts » ou aux technocrates ou aux juristes ou aux « représentants » élus (qui nous représentent si peu).
Cette cryptocratie, Michel Foucault l’avait bien débusquée dans ses réflexions sur le procédé panoptique de Bentham : alors que les autorités traditionnelles se mettent en scène (le chef gaulois d’Astérix est porté sur son bouclier, le Roi siège sur le trône, le Pape circule sur la seda gestatoria), les pouvoirs « modernes » inversent le sens du regard. Il s’agit alors de « voir sans être vu ». L’arbitrage des décisionnaires dans la modernité se masque derrière une pseudo-nécessité anonyme.
Si le « changement d’heure » était bénéfique au Bien Commun (ce qui reste à prouver), l’Autorité étatique pourrait ordonner que tous les services publics ouvrent une heure plus tôt ou plus tard. Voilà ce que ferait une autorité légitime. Mais quand l’autorité est faible, manque de fondements légitimes, voire s’appuie sur une escroquerie manifeste (la démocratie « représentative » qui prétend à l’indistinction entre les décideurs et ceux auxquel s’applique la décision), cette franchise devient difficile. Inévitablement la décision arbitrale serait qualifiée d’arbitraire.
Faute de légitimité, L’État préfère se cacher derrière un « changement d’heure » pseudo-objectif. Le développement des cryptocraties est en relation directe avec la perte de légitimité des pouvoirs.