Par Ilyes Zouari
Les Français excellent presque en anglais ! Selon le dernier classement EF EPI (Education First, English Proficiency Index), publié le 4 novembre, la France est 31e en la matière et dépasse 17 ex-colonies britanniques ayant l’anglais pour langue co-officielle, de jure ou de facto, comme Hong Kong (33e), l’Inde (34e), les Émirats arabes unis (70e), la Jordanie (75e) ou le Sri Lanka (78e).
Mais elle est aussi la grande puissance non anglophone la plus anglicisée et se classe devant les chefs de file des autres espaces linguistiques, à savoir la Chine (40e), la Russie (48e), le Brésil (59e), le Mexique (67e) et l’Arabie saoudite (98e). Elle devance aussi le Japon (53e), dont la société est technologiquement la plus avancée au monde, et qui exporte largement plus que l’Hexagone.
Cette situation ubuesque est, en bonne partie, due à cette anglicisation à outrance de la France où l’on ne compte plus les entreprises au site Internet en anglais et les salons internationaux où le français est banni de l’affichage. Choses impensables en Afrique francophone, Maghreb inclus, et au Québec. Le Québec où, et contrairement à une France sans repères, les intitulés de fonction et de formation diplômantes sont toujours en français, tout comme les noms des établissements d’enseignement supérieur francophones, très majoritaires (ou encore les slogans publicitaires…). Un Hexagone qui manque de respect aux touristes francophones en leur remettant de plus en plus de documents en anglais, ou avec une version quasi « microscopique » en français. Là encore, à l’inverse du Québec et de l’Afrique francophone. Et à cette attitude s’ajoute celle de l’Union européenne, qui mène une politique de quasi-éradication du français, et sans la moindre réaction.
Alors que le monde francophone, vaste comme quatre fois l’Union européenne, a dépassé les 500 millions d’habitants (espace linguistique à la croissance la plus élevée), alors que l’Afrique francophone est le moteur de la croissance économique du continent (dont elle a réalisé les meilleurs performances, six des sept dernières années), alors que le Québec est un pôle technologique majeur, avec le taux de chômage le plus faible du Canada (4,7 % en août 2019), la France s’emploie activement à entraver la dynamique favorable au français à travers la planète en diffusant au reste du monde (dont les étrangers la visitant) un message disant clairement que le français est une langue inutile à apprendre. Tel un enfant qui, sur une plage, prendrait un malin plaisir à venir régulièrement détruire un château de sable patiemment édifié par d’autres enfants.
Une terrible erreur stratégique, la langue étant avant tout une question d’influence culturelle, géopolitique et de parts de marché. Ainsi, ce n’est donc pas un hasard si les Québécois sont proportionnellement quatre fois plus nombreux que les Américains à venir en France… et à y dépenser. Ou si les premiers pays à avoir interdit le niqab étaient francophones, en Europe et en Afrique, suivis dans un premier temps par des pays francophonophiles.
La France est bien la principale menace qui pèse sur la langue et la culture françaises. La France, qui est probablement la seconde puissance après les États-Unis, tous critères confondus (économie, armée, influence géopolitique et culturelle, sans parler de son immense territoire maritime), et où certains souhaitent aller plus loin sur la voie de défrancisation, en ayant rendu obligatoire une langue étrangère dès le CP (chose que même trois des quatre pays scandinaves n’ont osé faire) ou en encourageant la création de classes bilingues.
Comme l’avait dit le général de Gaulle, « le snobisme anglo-saxon de la bourgeoisie française est quelque chose de terrifiant. […] Il y a chez nous toute une bande de lascars qui ont la vocation de la servilité. Ils sont faits pour faire des courbettes aux autres. »