Il n’y a probablement pas de mot qui soit aussi souvent employé que celui de « démocratie », ni avec une révérence si aveugle.
Que de fois, devant la critique, n’a-t-on entendu commentateurs ou politiciens ânonner le célèbre aphorisme de Churchill, qui décrivait la démocratie comme « le pire des systèmes, à l’exclusion de tous autres » [1] ? Parfois, on jurerait les moutons de « La Ferme des animaux » répétant à l’envi, tout en le comprenant à peine, le slogan inculqué par le verrat Napoléon : « quatrepattes, oui, deuxpattes, non ! » [2].
Un mot, cependant, ne signifie rien en lui-même ; il n’existe qu’à travers ce qu’il désigne. Il faut donc, avant toute génuflexion, se demander quel est le concept devant lequel nous sommes invités à nous jeter face contre terre comme mahométans en prière.
Que l’exercice de la souveraineté populaire soit souhaitable, c’est mon opinion ; qu’il doive être encadré d’une façon ou d’une autre, j’en conviens également. Mais telle n’est pas la question sur laquelle je veux me pencher. Ce que j’entends examiner, c’est le point de savoir si l’idée démocratique, magnifiée et élevée au rang de divinité bienfaisante, possède encore quelque consistance, quelque rapport avec ce qui l’a fait naître et triompher – souvent par la force d’ailleurs – en bien des endroits. En d’autres mots : la démocratie a-t-elle toujours un contenu ou n’est-elle plus qu’un vocable, une forme, à mille lieues de ce qui la fondait à l’origine, un instrument utilisé par une oligarchie résolue à confisquer la réalité du pouvoir ?
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