Par Olivier Perceval
Eric Zemmour qui, à force de courage et de ténacité à réussi à s’imposer à contre courant dans le paysage médiatique, affrontait courtoisement dans un débat télévisé récent le brillant sociologue Michel Maffesoli bien connu à l’AF (il était présent au dernier CMRDS) et lynché régulièrement par ses collègues sociologues, tous de gauche bien entendu.
Le professeur Maffesoli étudie depuis longtemps le fait communautaire et répugne à exprimer sa pensée sous forme de slogans ou de formules « prêt-à-porter ».
Un point de divergence entre les deux hommes portait sur « l’intégration » honnie par Zemmour à laquelle il oppose la notion « d’assimilation».
Maffesoli de son côté ne semble pas opposer formellement les deux principes.
On sait à quel point les intellectuels officiels, observateurs admiratifs des progrès de ce qu’ils appellent « l’individuation » (pour ne pas dire individualisme) sont attachés à ces notions apparemment opposées, mais, peut être, pas si éloignées que ça.
Si on se réfère a Durkheim, on comprend que l’intégration est davantage « un processus émancipateur de l’individu plongé dans un univers complexe ou plusieurs groupes coexisteraient, formant un tout organique. » Evidemment, cette définition s’oppose à la représentation proposée par le terme assimilation, lequel, très républicain s’inscrit dans une logique explicitement digestive. On sait ce qu’il advient du produit du travail des intestins pour ne pas insister sur l’évocation de cette métaphore.
En réalité, si l’on observe l’utilisation de ces mots par les politiques de droite ou de gauche qui en on fait leurs slogans respectifs d’identification idéologique de gestion de l’immigration, il est amusant de se rappeler que l’assimilation républicaine, quant il s’agissait d’éradiquer l’influence de l’Eglise ou d’interdire la langue bretonne, était proclamée par les radicaux-socialistes, c’est à dire les aïeux de notre gauche actuelle.
Et pour continuer à invoquer l’Histoire, on pourrait rappeler également que le slogan de l’OAS pendant la guerre d’Algérie à propos des populations musulmanes était l’intégration.
Aujourd’hui, c’est la droite dure qui prône l’assimilation tandis que la gauche ne veut pas entendre parler d’autre chose que de l’intégration.
Nul ne doute par ailleurs qu’au point où nous en sommes d’immigration massive, renforcée aujourd’hui par l’arrivée en nombre de réfugiés, nouvelle forme d’immigration opportuniste s’appuyant sur les guerres démocratiques et libératrices déclenchées par l’Occident, on est assez loin de se préoccuper d’assimilation ou d’intégration. Cela équivaut à débattre du sexe des anges à Constantinople tandis que la ville tombe entre les mains des Ottomans.
Pour autant, puisque l’on continue à s’envoyer ces notions toutes deux ambigües à la tête sur les plateaux télé et que nos élites médiatiques, appuyées par nos moralistes politiques et financiers, s’évertuent à ranger tous les sceptiques, à propos des bienfaits de la sur-immigration que nous vivons, du côté des racistes et des nostalgiques des
heures sombres de notre Histoire, il est difficile de traiter la question avec sérénité.
Il se trouve que mon expérience professionnelle personnelle m’a amené à observer que les associations, les organismes sociaux et éducatifs ne pratiquaient pas la moindre démarche d’intégration minimum auprès des populations fraichement arrivées. En effet, dans la plupart des cas observés, nos immigrés sont accueillis par des professionnels qui n’aiment pas la France, et qui transmettent parfois leur détestation de notre pays à travers leur prisme « dé-colonialiste », mondialiste et LGBT. C’est une des raisons qui explique les difficultés rencontrées par les étrangers pour s’intégrer à notre mode de vie.
Ainsi voit-on par exemple des algériens, qui considèrent pourtant leur pays d’origine comme invivable pour eux, arborer à la moindre manifestation sportive le drapeau du pays dans lequel ils ne voudraient pas habiter. Cela signifie peut-être qu’ils ont besoin de se référer à une terre nourricière et que ce n’est pas celle habitée par les défenseurs du multi-culturalisme, rejetant systématiquement tout comportement signifiant le moindre enracinement, qu’ils choisissent.
Ainsi va notre pays qui revendique tellement l’injonction de cosmopolitisme induite par les tenants du mondialisme, qu’il en perd sa réalité propre.
A de nombreuses reprises, j’ai pu parler avec des immigrés de la première, deuxième et même troisième génération, et chaque fois, j’ai eu droit à la même remarque : « C’est la première fois que je rencontre un Français qui aime son pays ». Ainsi me suis-je fait des amis issus de l’immigration en plus grand nombre certainement que ceux qui fréquentent les « bobos » plus préoccupés par leur nombril bio et accessoirement la paix dans le monde, que par la solidarité nationale.
Le modèle républicain sur la laïcité et, disons-le, sur une vision plutôt matérialiste de l’Homme, dans un pays où la jouissance et le profit sont considérés comme autant de vertus, ne constitue pas un cadre facile d’intégration pas plus que d’assimilation, car intégrer ou assimiler dans quoi ? Une France, forgée dans une Histoire qu’elle ne renie pas systématiquement ou dans un espace marchand sans culture et sans identité ?
On peut expliquer en partie la montée de l’Islam dans nos contrées par le rejet d’une société totalement irréligieuse que la foi républicaine ne saurait remplacer.
L’enquête de Gilles Kepel « Banlieue de la République* » fait apparaître que le discours sur la laïcité et les valeurs républicaines ont perdu leur crédibilité en se séparant notamment de leur fondement patriotique. D’autant que, par la réécriture républicaine de l’Histoire, ils peuvent être perçus comme largement responsables de l’anomie qui, comme le souligne l’enquête, rend la France incapable de faire face à l’apparition sur son sol de religions exogènes.
C’est un fait : la République, devenue un « concept lointain », est fragilisée. Le discours communautaire vise objectivement une nation éclatée : Aux ethnies diverses et variées qui la peuplent, on demande désormais de « Faire France ». Que peuvent alors les arguments reposant sur une « laïcité citoyenne » ou la religion des droits de l’Homme, que le communautarisme récuse d’autant plus radicalement que ce discours repose comme l’écrit François Marcilhac : Sur l’enseignement d’une histoire nationale mutilée, criminelle et repentante, socle fissuré qui ne peut servir de fondement à aucun « vivre-ensemble » ?
Ceux qui défendent l’assimilation, notion peu définissable de façon satisfaisante, devraient bien sûr commencer par aller au devant des immigrés, encore non intoxiqués par l’ambiance générale et plutôt dégradée de cette terre d’accueil, afin de montrer un autre visage de la France.
Mais pour réconcilier les acteurs pathétiques de cette guerre picrocholine un peu décalée, je ne crois pas que l’on puisse assimiler les primo-arrivants, par des cours de français accélérés. Du moins ce ne sera pas suffisant. On ne s’assimile pas en un mois ni en un an ! Il faut généralement compter une génération d’intégration pour pouvoir par la suite entrer dans une phase plus définitive d’assimilation.
Aujourd’hui, nous sommes obligés de constater que la première génération, sans être assimilée, était mieux intégrée, parce que souvent plus respectueuse naturellement du pays d’accueil, que la suivante laquelle, conditionnée par le discours culpabilisant des médias et de l’enseignement public, s’est parfaitement assimilée en revanche à l’incivisme, la délinquance, certaines technologies « libératrices » (téléphone mobile, réseaux sociaux). Cette seconde génération a parfaitement « assimilé » qu’il faut consommer toujours plus et se livrer à une forme de cosmopolitisme désastreux au plan intellectuel, seule proposition de notre société laïque et par ailleurs « moralisatrice » au point de susciter de nouvelles ligues de vertu : Lutte contre le tabac, contre la chasse, défense de la planète, tolérance sexuelle, lois mémorielles et j’en passe… Ne sont pas assimilés en revanche la connaissance réelle de la France, la courtoisie, bref les « us et coutumes » que l’on n’apprend même plus à l’Ecole. Le résultat principal se traduit, le nombre aidant, par une montée de l’islamisme identitaire justifiant des comportements de plus en plus arrogants.
Force est de constater que l’Islam est plus séduisant, pour un grand nombre d’immigrés en déshérence et même de Français de souche, que les vertus d’un laïcisme brandi comme religion moderne de substitution.
La gauche libertaire par ailleurs est prête à faire intellectuellement l’impasse sur ses revendications féministes notamment, dès lors que celles-ci pourraient amener à la critique de certaines pratiques islamiques.
En outre, on ne peut exiger des nouveaux arrivants qu’ils deviennent plus patriotes et plus amoureux de la France qu’une majorité de Français acquis à la pensée dominante insipide. Mais gageons, avec ce que les élites relayées par les médias nomment en se pinçant le nez « la montée du populisme » que le rapport de force est en train de s’inverser.
* Rapport de Gilles Kepel, publié à l’automne 2011 par l’Institut Montaigne (Gallimard)