Voltaire© Albert Dezetter / Pixabay
par Gérard Leclerc
L’affaire dite de Mila continue à provoquer des vagues, tous les politiques se sentant l’obligation de la commenter. Mais l’insistance sur la notion de blasphème sans cesse avancée a-t-elle provoqué l’élucidation nécessaire ?
Décidément, s’il est un mot qui fait fortune en ce moment, c’est bien celui de blasphème. L’usage du blasphème serait un acquis des Lumières, et tout ce qui conspirerait à en proscrire l’usage serait à considérer comme une régression insupportable. Sans doute y a-t-il des raisons historiques à cela, notamment en France avec le combat de Voltaire en faveur du chevalier de La Barre, condamné à mort pour « impiété, blasphèmes, sacrilèges exécrables et abominables ». Et il est vrai qu’il s’agit là d’un souvenir douloureux de notre histoire et que la protestation de Voltaire a traversé les siècles. Ne s’inscrit-elle pas au long de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, même si les visiteurs de la butte ignorent que le nom de la rue du chevalier de La Barre avait été choisi comme une provocation anticléricale.
Nous avons certes changé d’époque, et nul ne songerait aujourd’hui à rétablir un délit de blasphème avec une portée aussi lourde. Cependant, l’insistance actuelle sur le droit à blasphémer me fait quand même problème. On entend sans doute par-là la faculté absolue de jugement, l’entière possibilité d’exercer sa raison et les armes de la critique sur n’importe quel sujet, fut-il considéré comme sacré par certains. Mais l’injure, la moquerie, la dérision, la caricature sont-ils les moyens les plus adéquats d’exercice du jugement ? Ne peuvent-ils pas être aussi l’expression de la bêtise la plus crasse ? À un certain degré, l’exercice systématique de l’outrage peut être considéré comme attentatoire à l’intelligence tout court. Bien sûr, l’interdire participerait de la même sottise.
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