Par Olivier Perceval
L’expérience du confinement permet, au bout de la troisième semaine, d’observer l’évolution de nos rapports sociaux en situation de crise.
Il est d’abord piquant de constater à quel point nous sommes passés d’un mode individualiste, stimulé par la loi du marché libre, la publicité et toute une idéologie ambiante émancipatrice de toute forme de morale et d’appartenance à une histoire collective à, par la grâce du confinement, un autoritarisme des pouvoirs publics relayé avec zèle par les forces de l’ordre et accueilli très majoritairement par un large public. Se considérant les plus vertueux, certains sont même prêts à dénoncer les manquements de leurs contemporains jugés irresponsables.
Il faut considérer que le confinement en soi est une atteinte à la liberté de circuler, plutôt violente et finalement largement acceptée par le plus grand nombre au nom du combat contre le virus mortel.
Mais il n’y a finalement qu’un pas entre le libéralisme matérialiste et le soviétisme collectiviste.
Sans vouloir généraliser, il convient d’attirer l’attention de nos compatriotes sur des excès d’autorité tout en se drapant dans la vertu de la lutte sans merci que nous devons tous mener contre la pandémie.
Parlons de ceux qu’Elisabeth Lévy appelle les « maires fouettards », ceux qui démontent par exemple les bancs dans les lieux publics non encore fermés pour interdire au citoyen de stationner. Il est tout de même étrange de préférer sanctionner l’ensemble de la communauté plutôt que les contrevenants…
Les chaines d’informations applaudissent frénétiquement à cesmesures et couvrent d’opprobre ceux qui oseraient s’inquiéter de la montée de l’autoritarisme public.
Non loin de chez moi, existe un petit circuit de deux kilomètres en pleine nature, appelé le chemin du tramway, très apprécié des amateurs de « Jogging ». Ce circuit a été fermé, à la demande certainement des riverains de la voie d’accès à ce lieu. Résultat, les amateurs d’exercice sont obligés de courir le long de la route départementale et de croiser tous ceux qui se rendent dans les centres d’achat, pharmacie et autres services nécessaires. J’ai assisté à un contrôle de police surréaliste inventoriant le sac de course d’une dame : Le pandorereprochait à cette sexagénaire d’avoir acheté des articles qu’il ne jugeait pas de première nécessité lui faisant la morale par-dessus le marché. Enfin, un boulanger en colère dénonce sur les réseaux sociaux la verbalisation d’une cliente à la sortie de son commerce pour s’être déplacée pour l’achat d’une baguette. D’un peu partout nous viennent des témoignages d’autoritarisme, comme cette vidéo virale (cinq millions de vues) où des gendarmes s’en prennent à des travailleurs saisonniers vivant leur confinement dans leurs camions, pour les obliger à rentrer chez eux, alors qu’ils n’ont pas de domiciles autres que leurs véhicules :
Alors, quand on commence à nous parler de traceurs pour suivre nos déplacements, on est en droit de s’inquiéter. Il ne faudrait pas que la juste mobilisation collective contre la pandémie, devienne l’occasion, pour le pouvoir, d’écraser un petit peu plus le petit peuple et les classes moyennes pourtant, au départ, assez bien disposés à subir les contraintes nécessaires. Une forme de bien-pensance voudrait faire porter tout le poids de la faute originelle de la diffusion du COVID 19 à ce peuple décidément par trop indiscipliné. D’autant que chacun sait que la rigueur n’est pas la même partout. D’abord toutes les forces de l’ordre et tous les représentants des pouvoirs publics ne réagissent pas de la même manière. Dieu merci ! Il y a encore de l’intelligence ici ou là. Ensuite, parce que des consignes très claires ont été données aux forces de l’ordre pour éviter les incidents en zones sensibles. Ainsi les dealers dans quelques quartiers ne connaissent ni confinement ni couvre-feu. La fermeté a ses limites et l’on juge le pouvoir sur sa capacité d’exercer la justice, mais en l’occurrence : Forts avec les faibles et faibles avec les forts.
Au lendemain du « déconfinement », nous aurons à faire face à une période de redressement économique qui pourrait aussi être l’occasion de suppressions de libertés à titre provisoire. Il est à craindre que le provisoire s’éternise et que certains y trouvent tous les avantages d’une administration autoritaire du pays.
Le grignotage, ici et là de nos libertés, au nom d’une juste cause certes, doit être surveillé de près, d’autant que nos gouvernants ne sont pas irréprochables dans la gestion de cette crise !