Par Guilhem de Tarlé
En DVD : René Bousquet ou le grand arrangement,un film de 2007 réalisé par Laurent Heynemann, avec Daniel Prévost (René Bousquet), Philippe Magnan (son frère et son avocat), Ludmila Mikaël (la femme) et Macha Méril (Evelyne Baylet)
Un film-procès à charge contre René Bousquet. Ce « biopic » se substitue à un 2èmeprocès qui n’a pas eu lieu puisque le présumé coupable a été assassiné, quelques jours avant, en 1993, de 5 balles à bout portant.
Qui sait ce qu’auraient jugé les magistrats, plus de quarante ans après les faits, saisis d’une plainte de Me Serge Klarsfeld en application de la loi de 1964 instituant de façon rétroactive l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité ?
Le premier procès a eu lieu en 1949, et le prévenu a été condamné par la Haute Cour de Justice à la peine minimum de 5 ans de dégradation nationale, peine aussitôt annulée pour services rendus à la Résistance.
Préfet de la Marne, puis préfet de Champagne, en 1940-1941, René Bousquet est nommé par Pierre Laval Secrétaire général du ministère de l’Intérieur pour la police en 1942.
Durant l’été de la même année, il passe un accord avec le général SS Oberg, commandant supérieur nommé en France par Hitler pour toutes les questions de police. Afin de préserver, autant que faire se peut, la souveraineté de l’Etat, il refuse que la police française, en zone occupée, soit aux ordres de la police allemande, mais il accepte de faire exécuter, après négociations, des tâches prescrites par l’occupant. Il sera donc accusé d’avoir participé aux rafles et déportations de Juifs, notamment celle du Vel’ d’Hiv’, organisée les 16 et 17 juillet 1942 par la police parisienne à l’encontre de Juifs étrangers.
En 1994, François Mitterrand dira de lui qu’il n’était pas un « vichyssois fanatique » et, de fait, il a été révoqué à la demande des autorités du Reich en décembre 1943 avant d’être arrêté par la Gestapo et déporté en Allemagne..
Le film est globalement à charge allant même rechercher le témoignage d’un officier nazi ; il condamne avec nos yeux d’aujourd’hui et la connaissance que nous avons des camps de concentration, mais René Bousquet peut légitimement répliquer : « si c’était à refaire, dans les mêmes circonstances, je le referais, mais évidemment pas en sachant ce que je sais actuellement » ;
de même, toujours avec Bousquet, on peut interroger « qu’est-ce qu’ils auraient fait dans les mêmes circonstances ? »
C’est trop facile de juger l’Histoire à contretemps…. Et la question est d’une brûlante actualité quand on condamne Colbert en raison du Code noir, quand on veut interdire des conférences sur Napoléon, déboulonner ou décapiter les statues comme celle de Christophe Colomb, débaptiser l’avenue Bugeaud, etc.
On aurait pu craindre que la Haute Cour de 1949, composée d’anciens Résistants, manquât de sérénité et soit animée d’un esprit de vengeance. Elle prononça au contraire une condamnation symbolique, sans doute parce que ces juges avaient une expérience directe de la guerre, ayant vécu la même période et subi les mêmes événements que l’accusé, sachant ce qu’il avait fait et conscients de ce qu’il n’avait pas fait.
le réalisateur, qui est né après ces événements, en 1948, et qui n’est pas historien, est-il mieux placé, derrière sa caméra et 60 ans plus tard, pour en juger ?
J’ai fait, nous dit encore Bousquet, « ce que je croyais être mon devoir » … et l’on sait que le plus difficile n’est pas de « faire son devoir », mais de savoir où il se trouve.