Par Jeanne Estérelle
« Au tombeau de Napoléon, professeur d’énergie, jurons d’être des hommes ! »1
Si l’acte de foi des héros de Maurice Barrès trouve son dernier feu dans le zèle républicain d’Eric Zemmour, le serment des « déracinés » nous interpelle sans détour. Qui est notre source d’énergie?
Evoquant « l’indignation du quartier latin » qui se battit, en 1909, contre la police « pour la cause de la sublime jeune fille brûlée à Rouen au XVe siècle »2, Léon Daudet attribue à Jeanne d’Arc l’énergie de toute une génération: « A distance, cet événement singulier apparaît comme une onde puissante de colère et d’esprit de sacrifice, partie du bûcher de Rouen, et qui, (…) est venu, au bout de quatre cent soixante-dix-huit ans, enflammer une génération que, six ans plus tard, la guerre européenne allait faucher. Pour ma part, je vois une corrélation directe entre le réveil de l’esprit de Jeanne, la fondation par Pujo du cortège traditionnel du mois de Mai, conquis de haute lutte après des batailles épiques et la victoire, miraculeuse, elle aussi de la Marne. » Peut-être en raison de l’échec du 6 février 1934, Daudet s’interroge: « Où est maintenant parti ce rayon vengeur et pathétique, quand reviendra cette comète brûlante, au centre de la gravitation morale, calquée sur la gravitation tout court ? »
La triple donation du royaume qu’inventa Jeanne la Pucelle, le 21 juin 1429, fut, semble-t-il, méconnu de Léon Daudet bien qu’il ait admiré « l’ouvrage magistral de Quicherat »3. Cette invention diffusa cependant un rayon nouveau que Léon Daudet entrevit dans le blason de la Reine: « Elle déjoue les pièges en souriant. Il y a en elle la sécurité d’une fleur ouverte à la lumière, la continuité d’une ligne d’horizon et aussi ce don virginal, stellaire, de n’être déviée de sa route par aucun obstacle. »
C’est le caractère royal dont nos contemporains ont retrouvé et célébré la mémoire cette année. « Les Universaux traversent la mémoire et les mémoires à une vitesse vertigineuse, comme les étoiles filantes parcourent l’étendue céleste, conférant leur dynamisme intellectuel et moral à toutes les parcelles du souvenir, faisant apparaître des images qu’on n’attendait pas »4, comme, celle du règne de Jeanne. Le rayonnement de la Reine éteint ce « que Bonaparte fut en action, et dans le sang – la prolongation de l’onde révolutionnaire »5.
La Reine nous communique une énergie sereine, éternelle.
1 Maurice Barrès, Les déracinés, Folio, Gallimard, 1988, page 273
2 Léon Daudet, Les universaux, Bernard Grasset, Paris, 1935, page 15
3 Léon Daudet, L’hérédo, nouvelle librairie nationale, Paris, 1925, page 90
4 Léon Daudet, Les universaux, Bernard Grasset, Paris, 1935, page 238
5 Id page 115