Par Germain Philippe
La technocrature, maladie sénile de la démocratie : (16/18)
Extension du domaine de réflexion
A ce point de notre démarche, retournons-nous et recommençons par le commencement. L’exercice de physique sociale mené par l’Action française lui a permis d’analyser la recomposition technocratique de 2017, exercée par le pays légal pour maintenir sa domination financière. Elle a dû se positionner sur les concepts tendances d’Oligarchie, de classe des super-riches, et de superclasse. Elle a ainsi identifié les groupes dirigeants à neutraliser mais également les contradictions générées par le scénario dégagiste du pays légal. Elle sait que les contradictions et risques des élites démocratiques, peuvent se transformer en opportunités pour le recours au Prince chrétien, porteur d’un projet1 pour la France.
Reprenant la conviction maurrassienne sur la nécessité primordiale d’une réforme intellectuelle et morale, l’Action française a élargi son exercice de physique sociale à la notion de pole idéologique. Elle a ainsi intégré le passage de deux pôles à trois, consécutif au phénomène migratoire mais également suite à la réémergence du pole « catholique et Français toujours », engloutie par l’hégémonie culturelle marxiste depuis 1945.
Pour adapter sa stratégie, le « mouvement-école » d’Action française devra porter son analyse de terrain sur trois tendances lourdes.
- D’abord celle des mutations du pays réel à travers l’invisibilité de la « France périphérique », de « l’archipelisation » communautaire, de la « nouvelle contre-révolution catholique » et du vieillissement de la population souche.
- Ensuite celle de l’introduction brutale d’un multiculturalisme générateur d’insécurité culturelles et de violences physiques.
- Enfin celle de la montée en puissance agressive d’un activisme « néo-révolutionnaire », formant un front objectif allant du racialisme-indigéniste à l’écologie-animaliste en passant par le féminisme-gender et le transhumanisme-expertocratiste mais aussi l’islamo-gauchisme et l’antifa-mondialisme.
Enfin son champ de réflexion prospective devra être étendu à la « crise ». Cette crise prophétisée dès L’avenir de l’Intelligence (1903) par Maurras, puis analysée sous l’angle économique par Pierre Debray dans Une politique pour le XXI° siècle (1985) et sous l’angle culturelle dans L’Europe assassinée (1993)2. Une crise de civilisation dont l’une des conséquences est l’usure accélérée de la solution démocratique favorisant l’apparition de gouvernements populistes et de régimes dits de « démocratie illibérale3 ».
République et manque de cohésion
Cette extension à la réflexion prospective doit être menée rapidement. Du moins si l’on se fie à la vision stratégique à 2030 du chef d’état-major de l’Armée de Terre4, présentée aux députés il y a quelques jours ( juin 2020). Son « appréciation5 de la situation » prend d’autant plus d’importance, connaissant son principal point d’attention sur le moral et l’état d’esprit de ses hommes.
Pour lui, l’incertitude stratégique se trouve « exacerbée en France, où les fragilités d’une société manquant de cohésion et en quête de sens peuvent faire douter de sa volonté à bâtir un avenir commun et à en défendre le modèle avec fermeté et esprit de résistance. » Fragilité d’autant plus grave qu’il évoque une « extension des champs de conflictualité », accompagnée d’un changement majeur de l’usage de la force se faisant également « selon des modes d’action nouveaux, imprévisibles et plus insidieux, privilégiant l’intimidation et la manipulation, dans une forme de guerre nouvelle, indiscernable et non revendiquée, pour obtenir par le fait accompli des gains stratégiques indéniables. »
Les concepts avancés par le général Thierry Burkhard sont forts. Surtout pour des maurrassiens rodés à la réflexion prospective. C’est même une des particularités de l’Action française. Il faut en avoir conscience, Charles Maurras n’était pas tourné vers le passé car il ne s’intéressait qu’a l’avenir.
C’est pourquoi la vision du chef d’état-major de l’Armée de Terre parle à l’Action française et pourquoi, comme aurait dit Péguy, elle tend l’oreille.
Guerre des races
Produite avant la pandémie du Coronas virus, sa vision anticipe de quelques mois les actuels soubresauts d’une guerre effectivement « nouvelle », la guerre raciale ; celle évoquée par l’ancien premier Ministre Manuel Valls affirmant : « la lutte des classes disparait au profit de la guerre des races ».
Là encore pas de véritable surprise pour l’Action française. Par l’empirisme organisateur elle sait que la République, née dans la guerre civile, a déjà généré, voir instrumentalisé plusieurs formes de tensions comme la guerre religieuse, la guerre sociale, la guerre scolaire, la guerre sociétale alors pourquoi pas la guerre raciale.
D’autant qu’en 2016 les français avaient été alertés6 sur l’apparition d’un « racisme à l’envers », par rien moins que le délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, du gouvernement socialiste de François Hollande. D’où l’inquiétude du Délégué général d’Ichtus – ancien président de La Manif Pour Tous – Guillaume de Prémare, exprimée sur le site L’incorrect7 : « Si la greffe venait à prendre dans notre pays, qui ne s’est pas construit sur la ségrégation raciale, elle pourrait provoquer, un jour ou l’autre, le grand déchaînement des passions ethniques. »
Cette guerre des races est poussée artificiellement par la mouvance composite et quantitativement faible des « décoloniaux », allant « du Parti des Indigènes de la République (PIR) au Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) en passant par une kyrielle de micro collectifs, dont certains ne comptent pas cinq membres.8» Sa principale force est de bénéficier d’une médiatisation importante et régulière, voire d’une complaisance judiciare objective. En revanche elle est attisée réellement, par le parti de la France Insoumise, qui a représenté 19 % des électeurs à la présidentielle de 2017. L’image de l’insoumis Jean-Luc Mélenchon mettant genou à terre pour ce soumettre à cette doxa racialiste est assez stupéfiante.
Cette guerre nouvelle, pratiquant des modes d’action imprévisibles, plus insidieux, privilégiant l’intimidation et la manipulation, mérite donc un minimum d’attention. Elle amène l’Action française à revenir sur les hypothèses prospectives, envisagées par l’un de ses maitres il y a déjà presque quarante ans.
Germain Philippe (à suivre)
1 Jean de France, Un prince français : entretien avec Fabrice Madouas , Pygmalion, 2009.
2 Pierre Debray, L’Europe assassinée, Courrier Hebdomadaire de Pierre Debray, supplément n° 1144, 1993
3 Anne Chemin, « Pologne, Hongrie… ces démocraties « illibérales » qui remettent en cause l’Etat de droit », Le Monde, 07 juin 2018
4 Général d’armée Thierry Burkhard.
5 Notre intérêt n’est en rien comparable au canular « anarcho-royaliste », dénoncé sérieusement par Jean-Dominique Merchet en 2013 : « Les militaires qui ne sont pas dans cette mouvance me félicitent d’avoir écrit un article, mais ceux qui sont dans la mouvance du Printemps français me font la gueule. Il y a 250 000 militaires dans le pays, mais le « Lys Noir » est une infinie minorité qui cherche à avoir un impact sur les autres, car elle est très présente ».
6 Gilles Clavreul, « Un racisme à l’envers », site Fondation Jean-Jaurès, décembre 2016.
7 Guillaume de Prémare, « La guerre des races », site L’incorrect, 23 juin 2020.
8 Gilles Clavreul, « Radiographie de la mouvance décoloniale : entre influence culturelle et tentations politiques», site Fondation Jean Jaurès, décembre 2017.