Le nouveau gouvernement jupitérien : La foudre en basse tension.
Tout ça pour ça ! Ainsi, la nomination comme premier ministre, de M. Déconfinement, prise de guerre modeste aux Républicains, aura accouché d’une souris. Alors que les Français n’ont pas encore compris en quoi avait consisté l’acte II du quinquennat, ils ont du mal à croire que ce remaniement ouvre son acte III, traduit la volonté de Macron de se « réinventer »…
Il aura donc fallu trois jours pour nommer à la culture Roselyne Bachelot, elle qui avait promis que jamais, au grand jamais, elle ne reviendrait en politique. De nommer place Vendôme un avocat médiatique et « clivant », très critique, voire insultant, envers les magistrats, dont on peut se demander s’il saura revêtir la dignité, l’impartialité et la hauteur (théoriquement) propres à la fonction de garde des sceaux et de ministre de la justice — un homme si respectueux de la pluralité politique qu’il souhaite l’interdiction du Rassemblement national. Et à la transition écologique, Barbara Pompili, une écologiste comme seuls les Verts savent en produire : l’écologie réduite au carriérisme. Trois jours pour les trouver et les nommer, ou trois jours …pour convaincre certains de partir sans fracas et sans emporter les dossiers, comme Castaner, devenu un des hommes les mieux renseignés de France ?
Peu importe. Pour le reste, on prend les mêmes, après avoir viré celles-et-ceux qui, de toute façon, ne pouvaient plus rester. Le Maire est désormais seul à Bercy, Blanquer emporte dans sa besace la jeunesse et les sports. Quant à Darmanin, il passe, comme il le souhaitait, à un grand ministère régalien : celui de l’intérieur, afin de devenir à son tour un des hommes les mieux renseignés de France. En tout cas, la plainte pour viol à son encontre et la réouverture des investigations n’auront pas empêché sa nomination. « Grand honneur, a-t-il tweeté, pour le petit-fils d’immigré que je suis d’être nommé ministre de l’intérieur de notre beau pays. » Le en même temps, déjà ! On rappelle ses origines « immigrées » en direction de la « diversité », mais on affirme son intégration…Alors qu’on est descendant de Harki ! Darmanin ne respecte même pas ses ancêtres… On dit qu’il était en concurrence avec Blanquer et que sa nomination Place Beauvau est une victoire de Castex : c’est possible, même si Darmanin a trahi sa famille politique trois ans avant le nouveau Premier ministre, si tant est, du reste, que trahir Les Républicains, devenu un simple syndicat d’élus, ait encore du sens. On dit aussi qu’il faut voir dans ces nominations une droitisation du quinquennat, avec l’influence à peine occulte de Sarkozy. On sait les excellents rapports que Macron entretient avec l’ancien président de la république. Peut-être aussi Macron cherche-t-il, en vue de 2022, à neutraliser la droite, qui lui semble bien plus dangereuse que la gauche, compte tenu du discrédit dans lequel est tombé la France insoumise et de l’état persistant de mort cérébrale des socialistes.… Un point devrait pourtant inquiéter Macron : aucune prise de guerre, aucun grand nom, à part une retraitée de la vie politique et une star du barreau à l’ego surdimensionné… C’est maigre.
Tout cela est possible, mais sans intérêt, au fond. Qui s’attendait à un grand souffle, de la part d’un chef d’Etat dont la parole n’est plus crue, ni même entendue, des Français ? D’aucuns prétendaient que la nomination de Castex, haut fonctionnaire plutôt qu’homme politique, signifiait que Macron avait décidé d’effacer la fonction de premier ministre autant que faire se peut. Castex, toutefois, devançant l’humiliation que subit durant cinq ans Fillon, a aussitôt prévenu qu’il n’avait pas le caractère d’un simple « collaborateur » — ainsi Sarkozy qualifiait-il Fillon. On verra. On avait dit la même chose à la nomination d’Edouard Philippe, peu connu des Français. Sa personnalité s’est étoffée en trois ans, il est même devenu relativement populaire, à l’occasion de la crise sanitaire, où il a été en première ligne, alors que Macron s’était réservé le ministère de la parole. D’où sa démission contrainte. Macron parie évidemment sur le fait que Castex n’aura pas le temps de connaître le même parcours. Il devra se consacrer, voire se consumer à traiter les dossiers difficiles — chômage, retraites, santé, police, écologie : c’est après tout son rôle. Ne doit-il pas déterminer et conduire la politique de la nation, selon l’article 20 de la Constitution ? Il est vrai que la pratique, surtout depuis le quinquennat, a renforcé la présidentialisation de nos institutions. On y voit un nouveau signe dans le fait que Castex fera sa déclaration de politique générale au lendemain ou au surlendemain de l’intervention, le 14 juillet, de Macron — une tradition avec laquelle celui-ci avait précisément rompu. Soit. Mais en 2017, Macron avait parlé devant le Congrès à Versailles le 3 juillet, avant que Philippe ne fasse sa déclaration devant l’Assemblée le 4…
L’ordre dans lequel les ministres ont été nommés est plus important, car il est, avec leur intitulé, une indication sur les priorités, au moins affichées, de l’exécutif. Ainsi, la justice, ministère régalien s’il en est, est reléguée de la deuxième à la dixième place ! Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères passe de la troisième à la deuxième et, surtout, la transition écologique de la cinquième à la troisième. Bref, Macron affiche ainsi sa priorité écologique, faute d’avoir créé ce grand ministère qui aurait mis tout le reste, notamment l’économie et l’agriculture, sous la tutelle de l’écologie.
Notons aussi une autre priorité : la diversité. Schiappa était chargée, auprès de Philippe, de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations Elisabeth Moreno, sera, elle, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. La diversité fait ainsi son entrée à Matignon. Il n’est pas certain que cette reconnaissance officielle du communautarisme suffise à calmer les indigénistes et les déboulonneurs de statues. D’autant que Marlène Schiappa, devient, cette fois auprès du ministre de l’intérieur, ministre chargée de la citoyenneté ! Quel message veulent donner Macron et Castex, en séparant ainsi la diversité et la citoyenneté et en ravalant celle-ci à l’intérieur ? D’ailleurs, des ministres chargés de la diversité et de la citoyenneté, cela a-t-il un sens ?
Rien ne permet, au vu de ce remaniement de faible ampleur, réduit surtout à de l’affichage, de prédire ce que sera le dernier acte du quinquennat d’Emmanuel Macron. Il semble vouloir, en même temps, donner des gages à un électorat de centre-ville, le sien, sur la question écologique, après les municipales, sans engager la rupture réclamée par les Khmers verts. Le tout, bien sûr, sera ce qu’il fera concrètement des 146 propositions retenues de la Convention citoyenne pour le climat, dont certaines ne seraient pas sans provoquer de nouveau l’ire des Français, surtout de ceux qui ne sont rien — les gilets jaunes. Sans compter les autres dossiers brûlants : les retraites, principalement, et la santé. Et la crise des forces de l’ordre. Et sans oublier le plus important : une crise sociale d’une ampleur encore inconnue, qui risque de contrecarrer tous les plans. Le pire, il est vrai, n’est jamais certain.