Par Germain Philippe
La technocrature, maladie sénile de la démocratie : (17/20)
Cette guerre des races nouvelle, l’Action française l’avait-elle envisagée ?
Nouvelles invasions barbares
L’Action française a osé imaginer un « retour du religieux » sous la forme d’une extension islamique, dès 1982. Avouant faire preuve d’une paradoxale admiration pour l’Iman Khomeiny, Pierre Debray mis en garde sur la possibilité d’une future submersion de la France « par les « combattants d’Allah », d’autant que les envahisseurs sont déjà dans la place, ces « immigrés de la seconde génération qui, pour l’heure ne manifestent la haine et l’envie qu’ils nous portent que par des destructions de voitures, des agressions et autres menus délits que les statistiques de Monsieur Badinter classent dans la petite délinquance. » L’extension islamique passerait par l’immigration. Aux beaux esprits septiques, Debray rappelait l’histoire de France : « On aurait bien surpris, à l’aube du quatrième siècle, les braves paysans gallo-romains qui embauchaient comme journaliers des barbares, qu’un siècle plus tard, ces « travailleurs immigrés » régneraient sur leur terre.1 »
L’année suivante Debray, nationaliste français de tradition romaine, tenant le racisme pour une aberration fabriquée par le luthérianisme, approfondissait le problème de l’immigration en remontant aux causes et responsabilité de l’élite financière du pays légal. Regrettant qu’en 1830 les français n’aient pas baptisé les arabes d’Algérie « à la lance d’arrosage dans la tradition de Clovis » mais aussi que l’Armée n’ait pu jouer son rôle de creuset intégrateur dans une Algérie resté française, il constata historiquement l’impossibilité d’une France multiculturelle. Il rapprochait analogiquement l’immigration magrébine de la société industrielle, de l’histoire des « classes dangereuse » du XIX° siècle. Cette faute était imputable à « l’Établissement » car le capitalisme financier dominant le capitalisme industriel ne cherche que le profit immédiat sans viser le long terme. Voilà pourquoi au nom du « raison sachons garder » de nos rois, il mettait en garde l’Action française de ne pas tomber « dans les slogans démagogiques d’hurluberlus d’extrême-droite2. ».
En 1985 Debray fixa son vocabulaire – donc son concept – en privilégiant « nouvelles invasions barbares » à « nouvelles classes dangereuses ». Sous ce vocable, à connotation historique, il articulait deux tendance lourdes ; celle du vieillissement de la population française de souche et celle de l’amplification des flux migratoire largement musulmans entrainant la France vers une société multiculturelle. Plus qu’une guerre de races c’est une invasion culturelle, avec une lutte identitaire qu’envisageait Debray. C’est pourquoi il tentait une projection prospective à échéance d’un siècle, tout en rappelant qu’« Assurément les conjectures sur l’avenir se révèlent dangereuses. ». Debray envisageait alors trois hypothèses, qui en 2020 semblent prendre sens.
Bainville et l’idée directrice
Attention, l’effort prospectif s’inscrit bien dans la science politique que Maurras a définie comme l’étude de la physique politique par la méthode de l’empirisme organisateur. Dans sa projection prospective, Debray recourt systématiquement à l’expérience historique en prenant soin d’éviter les quatre erreurs de l’illusion réaliste, des « lois gaufrier », de l’étouffement de l’esprit de finesse par l’esprit de géométrie et bien entendu de la mono causalité.
Refus de la dérive mono causale au profit de la notion bainvillienne de « l’idée directrice ». Celle qui guide Debray c’est l’analogie avec les invasions barbares. Ce raisonnement par analogie, dont Pierre Gaxotte3 disait qu’il était le plus difficile à manier mais le seul à pouvoir tirer profit de l’expérience de l’humanité en évitant d’utiliser l’histoire à la façon d’une formule chimique.
En prenant l’analogie avec les invasions barbares, Debray savait qu’on accuserait l’Action française de construire un scénario-catastrophe mais pourtant : « Du temps de Saint Augustin, l’Afrique romaine, en dépit des malheurs qui l’accablaient, ne pouvait pas imaginer que le christianisme allait subir une éradication radicale. Nous sommes à ce point persuadés, comme l’étaient les contemporains de Saint Augustin, de la supériorité de notre civilisation, que l’idée qu’elle soit menacée de s’effondrer devient littéralement impensable. Parce que nous les avons, pendant un siècle, ce qui n’est rien, tenus en sujétion, un racisme inconscient nous porte à mépriser les peuples musulmans. Nous mesurons mal la force mobilisatrice du Coran. Parce que chez nous la déchristianisation s’accélère nous ne parvenons plus à prendre l’exacte mesure de la puissance du facteur religieux. Parce que nous laissons la culture américaine utiliser l’hégémonie économique de ses industries « médiatiques » pour laminer la nôtre, nous comprenons mal le renouveau d’un Islam qui se bat pour préserver son identité culturelle et renoue, du fait même, avec sa vocation conquérante. Parce que nous sommes un vieux peuple, nous ne croyons plus qu’au confort matériel et intellectuel, alors que les peuples jeunes, retrouvent avec le sens du sacrifice le désir de s’approprier nos richesses. »
Maurras – Mosquée – races
A vrai dire Debray, en héritier de Maurras, s’inscrit dans la filiation de son texte prémonitoire de L’Action française du 13 juillet 1926. Rappelons un passage essentiel car il faut rabâcher disait Maurras : « Cette mosquée en plein Paris ne me dit rien de bon. Il n’y a peut-être pas de réveil de l’Islam, auquel cas tout ce que je dis ne tient pas et tout ce que l’on fait se trouve aussi être la plus vaine des choses. Mais, s’il y a un réveil de l’Islam, et je ne crois pas que l’on en puisse douter, un trophée de cette foi coranique sur cette colline Sainte-Geneviève où enseignèrent tous les plus grands docteurs de la chrétienté anti-islamique représente plus qu’une offense à notre passé : une menace pour notre avenir. On pouvait accorder à l’Islam, chez lui, toutes les garanties et tous les respects. Bonaparte pouvait se déchausser dans la mosquée, et le maréchal Lyautey user des plus éloquentes figures pour affirmer la fraternité de tous les croyants : c’étaient choses lointaines, affaires d’Afrique ou d’Asie. Mais en France, chez les Protecteurs et chez les Vainqueurs, du simple point de vue politique, la construction officielle de la mosquée et surtout son inauguration en grande pompe républicaine, exprime quelque chose qui ressemble à une pénétration de notre pays et à sa prise de possession par nos sujets ou nos protégés. Ceux-ci la tiendront immanquablement pour un obscur aveu de faiblesse. Quelqu’un me disait hier : — Qui colonise désormais ? Qui est colonisé ? Eux ou nous ? »
Texte à rapprocher de sa conférence sur la colonisations, donnée lors d’un banquet à la gloire de « la Plus Grande France » destiné à resserrer les liens intellectuels, moraux et politiques qui unissent les diverses parties de notre Empire colonial et parue dans l’Almanach d’Action française de 1935 : « Qu’elle soit d’assimilation ou d’association, cette politique de notre ancien régime heurte a angles droits tout ce qui se rabâche dans les groupes prétendument réactionnaires de l’Europe moderne : leur racisme occupe une position tout à fait contraire à l’esprit de nos traditions. Eh bien ! c’est le racisme qui a tort ; c’est nous, réactionnaires français, qui le déclarons. » Et puis sur les races : « Il y a des familles, il y a des familles de familles. Ou des races. Il y a des inégalités profondes entre les unes et les autres. Il n’y a pas d’abîme infranchissable, de différence morphologique absolument tranchée entre celles-ci et celles-là. L’abus est certes possible dans tous les sens : dans les mélanges, comme dans les restrictions. »
Trois hypothèses d’Action française
Ceci rappelé, citons les trois hypothèses prospective de l’Action française de 1985.
- « Les deux peuples fusionnent, de façon pacifique en renonçant l’un et l’autre à leur identité culturelle pour adopter une culture cosmopolite, à dominante américaine. Cela suppose la déislamisation, aussi complète, des immigrés d’origine musulmane. On assisterait à la naissance d’un peuple nouveau, sans passé donc sans mémoire, la France disparaîtrait au profit d’on ne sait quelle réalité historique, toute différente qui progressivement, élaborerait une langue, dérivée de la nôtre. Un phénomène semblable se produisit au haut Moyen-Age mais à l’époque, le christianisme servait de ciment. Qui le remplacerait ? Actuellement le seul candidat semble être « l’American way of life ».
- « Bien que menacé, le pouvoir blanc parvient à maintenir les immigrés dans les tâches subalternes, s’appropriant le monopole du savoir. Il pratiquera, sous une forme ou sous une autre, un apartheid de fait, afin de ne pas risquer de perdre le pouvoir politique. Pour subsister, il lui faudra accepter la tutelle soviétique. En URSS aussi le pouvoir blanc est menacé. Le poids démographique des républiques musulmanes d’Asie Centrale s’accroît. Elles commencent à subir l’influence du fondamentalisme islamique. Les autorités locales, encore qu’étroitement surveillées par les représentants du Parti, tous d’origine européenne, manifestent des velléités d’autonomie. La guerre d’Afghanistan est certes commandée par des considérations géopolitiques. Communiste, la Russie continue sa progression vers les mers chaudes commencée sous les tsars. Néanmoins, la propagande officielle, si l’on en croit les témoignages de soldats tombés aux mains de l’ennemi, fait appel non au marxisme-léninisme mais au nationalisme grand-russien.
- « Les leçons de l’histoire n’ayant jamais servi à personne, une troisième hypothèse, la plus vraisemblable, du moins pour le moment, reproduit le scénario de la chute de l’Empire Romain. Les « barbares » entrent d’abord comme esclaves, de nos jours comme prolétaires (au sens étymologique), ce qui n’est guère différent, dans la pratique. Ils se chargent des tâches les plus ingrates que dédaignent les citoyens. Puis, ceux-ci, refusant de servir comme soldats, on enrôle, dans un second stade, des barbares. Cependant, à la périphérie la pression des germains et des slaves, hier, et aujourd’hui des africains, se faisant plus forte, on achète certains chefs, chargés de contenir les autres tribus. Quand cela ne suffit plus, on leur offre des terres, qui, du fait de la faible natalité, retournent à la friche, afin qu’ils s’y installent, à charge pour eux de les défendre. Tout cela coûte cher. L’Etat épuise les citoyens en impôts. Le moment vient où les barbares entrent en masse, les armes à la main, parfois accueillis en libérateurs. »
Clans des Yes, des Da et des Ajal
Quarante années plus tard, confrontées à ce nouveau siècle, que sont devenues les trois hypothèses de Debray ? Relèvent-elles des oubliettes de l’histoire comme le marxisme ? Sont-elles enlisées dans le marais des pistes culturelles intellectuellement attrayantes mais finalement bricolés ? Vérifions succinctement en utilisant la grille de lecture – certes polémique – si chère à Léon Daudet, des « serviteurs de l’étranger4 ». Elle nous pousse à constater :
- Sous sa première hypothèse de la « fusion pacifique », nous reconnaissons assez bien le projet de société des laboratoires d’idées progressistes/mondialistes comme Terra Nova, qui infusent le pole idéologique des « valeurs républicaines ». Nommons le « d’américanisation » car l’ambassade américaine a déployé de grands efforts auprès de nos banlieues5 de l’immigration pour y détecter les élites émergentes, les former aux Etats-Unis en leur répétant que la France ne les reconnait pas et que l’avenir leur appartient. Désignons ses meneurs mondialisant, ces serviteurs de l’étranger, sous le vocable de « clan des Yes », avec ses commis européanisant. Ce projet d’américanisation se prévaut de la légitimité des institutions légales. L’élite technocratique au pouvoir déroule méthodiquement sa construction malgré la réaction du pays réel. Engagé à grande échelle dans le monde occidental, mais uniquement dans le monde occidental, le succès de ce projet dont l’objectif est la consommation de masse, passe pour inéducable grâce à un pilonnage médiatique massif et incessant.
- Sous l’hypothèse du « pouvoir blanc », nous discernons l’actuel tentation du renversement d’alliance au profit du nouvel empire russe, effectivement passé du marxisme-léninisme au nationalisme grand-russien. Ce projet identitaire pourrait se prévaloir de la légitimité de la défense de l’identité et des traditions coutumières françaises mais le pole idéologique « catholique et Français toujours », souffre encore de l’incapacitant mythe européanisant. En revanche l’ancien « clan des Da », celui du Viel électorat communiste, transfère patriotiquement son allégeance sur le vote national-populiste. Tout comme le socle sociologique gaulliste se souvenant d’une alliance russophile de « l’Atlantique à l’Oural » permettant d’éviter « Colombey les deux mosquées ». Un projet auquel le président Poutine n’est pas insensible, vu son long entretien avec Marine Le Pen6. Sachant que du coté des « conservateurs », François Fillon avait semblé disputer à la frontiste le rôle de meilleur allié en France du régime poutinien.
- Dans la troisième hypothèse, nous retrouvons le projet de « la soumission », du roman d’anticipation de Houellebecq de 2015, au moment des attentats islamique de Charlie Hebdo qui ébranlèrent la France entière. Dès juin 2017 le président du Think Tank Génération libre, à mis en évidence la crédibilité d’une prise de pouvoir douce « à la Houellebecq » en la rapprochant du coup de force démocratique réalisé par Emmanuel Macron… C’est le projet du « clan des Ajal » que nous voyons à l’œuvre dans les zones de non-droit de plus en plus nombreuse aves la mise en place de listes électorales islamiques. Ce projet « soumission » repose sur une très forte légitimité, celle de la conviction religieuse, de la jeunesse et d’un accroissement démographique exponentiel. Au moment ou des mosquées s’édifient un peu partout et de plus en plus en France, leurs coupoles et leurs minarets furent décrits en 2009 par le premier ministre turc comme « nos casques et nos baïonnettes ». Nous savons par l’Iman Komeiny, que l’Islam ne s’ébranle que si surgissent des prophètes mais n’est-ce pas l’objectif du charismatique président turc Erdogan qui intervient militairement en Lybie, le verrou de la colonisation migratoire de l’Europe latine.
Mais alors quelle alternative pour la France ?
Germain Philippe ( à suivre)
1 Pierre Debray, « Eléments d’une stratégie – L’école de l’Iman », Je Suis Français n°54, juin 1982.
2 Pierre Debray, « Propositions pour une réforme de l’économie – les nouvelles « classes dangereuses », Je Suis Français n°67, octobre 1983.
3 Pierre Gaxotte, « D’un mal du siècle à l’autre », Spectacle du nonde n°127 , octobre 1972.
4 Léon Daudet, « Les serviteurs de l’étranger », L’Action française du 6 juin 1915.
5 Guy Chambarlac, « L’Amérique dans les banlieues », Nouvelle Revue d’Histoire n° 65, mars 2013.
6 Dominique Albertini et Etienne Bouche, « A Moscou, Le Pen s’affiche avec Poutine et vante sa vision du Monde », site Libération du 23 juin 2017.