Par Olivier Perceval
En 2016, au nom de l’Action française, je m’étais rendu à Bézier pour la grande réunion : « Osons la droite », organisée par Robert Ménard et j’ai pu aborder joyeusement Denis Tillinac pour le saluer et le féliciter de la qualité de son intervention. A peine me suis-je présenté que j’ai vu sa figure préalablement avenante, se crisper et entendu l’illustre écrivain m’agonir de toutes les accusations de collabo, anti sémite, et autres amabilités, mettant fin aussitôt à ce qui ne furent même pas des échanges, puisque je n’eus pas le temps de prononcer la moindre parole. En tant que fils et petit-fils de résistant et combattant de la France libre, ayant épousé une petite fille de déportés, j’avoue que le sentiment d’injustice était plutôt rude. Mais mieux que ça, il s’en prit aussi à ce qu’il considérait comme une aberration, le simple fait de vouloir rétablir la monarchie en France. L’auteur éminemment brillant de « l’âme française » était-il une victime des préjugés et de la désinformation scolaire et médiatique ? C’était pourtant me semble-t-il, un esprit libre et cultivé, comme le démontrent par ailleurs ses écrits. Ou cela remonte-t–il à une rencontre qu’il aurait faite avec un ou des individus prétendument de notre courant de pensée, qui lui auraient laissé un souvenir calamiteux ? Mais un tel aveuglement venant d’un tel homme, laisse perplexe. Quoi qu’il en soit, la seule réaction qui me soit venue à l’esprit est cet article ci-dessous paru dans Boulevard Voltaire. J’en tire aussi la leçon, que l’Action française se doit d’échanger avec les intellectuels patriotes de notre temps, voire même peut-être, relancer une nouvelle enquête sur la monarchie, sorte de mise à jour et prise de température sur la crédibilité de nos propositions. Je regrette de n’avoir pas pu m’expliquer plus avant avec Denis Tillinac, lequel, malgré sa réaction hostile à notre encontre, laissera une belle emprunte dans l’expression de l’intelligence française. Beau voyage quand même vieux corrézien au mauvais caractère, et n’oublie pas de glisser une pièce à Caron pour la traversée du Styx.
Article paru dans Boulevard Voltaire le 16 juin 2016
« J’étais à Béziers le week-end dernier et je dois dire que j’ai beaucoup apprécié l’ambiance et l’état d’esprit qui se dégageaient de cette joyeuse et non moins sérieuse assemblée du peuple de droite, non pas la droite politicienne, qui par ailleurs a peut-être sa raison d’être, mais cette droite du cœur, cette droite des valeurs puisées dans les racines et l’histoire de notre pays.
Ce n’est pas dans les habitudes de la droite de donner la parole, comme ça, à tout un chacun : les tables rondes étaient davantage des groupes de travail où les experts, parfois, se faisaient bousculer par la salle, où même les modérateurs se sentaient, de courts instants, un peu débordés.
Pour ceux qui sont habitués aux sages colloques bien ordonnancés, ce vent de liberté, d’expression spontanée, avait le parfum un peu exotique d’une sympathique communion, un peu brouillonne, qui s’inscrit généralement plus dans la culture d’une gauche d’autrefois, désormais défunte, et dont l’organisateur de ces trois jours a peut-être gardé l’empreinte pour nous en faire profiter avec bonheur.
Denis Tillinac introduisait ces journées avec le talent qu’on lui connaît, rappelant culturellement ce qu’était être de droite, au plan non seulement intellectuel, mais aussi littéraire et esthétique.
Me sentant en harmonie avec l’auteur de L’Âme française, j’ai été surpris d’apprendre qu’il réservait à l’Action française un jugement très injuste qui faisait de notre courant d’idée une survivance de la collaboration.
Rappelons tout de même que l’on vient d’inaugurer, à Paris, la place Mireille-et-Jacques-Renouvin, camelots du roi résistants morts pour la France et salués ès qualité par madame Hidalgo. Et ce n’est pas un cas isolé. Honoré d’Estienne d’Orves, fidèle lecteur du quotidien royaliste, n’est-il pas lui-même le premier résistant exécuté par l’occupant en 1941 ?
Nous sommes des maurrassiens revendiqués, certes, mais des maurrassiens critiques, comme Maurras lui-même désirait qu’on le fût, notamment sous l’influence de Pierre Boutang, dont nous nous réclamons par ailleurs.
Bref, est-il nécessaire de réveiller de vieilles blessures qui ont affecté non seulement notre mouvement, mais la France entière ? Et finalement, si l’on observe cette période avec un minimum d’honnêteté, que ce soit à Londres ou à Vichy, il y avait des patriotes dans les deux camps. Les vrais collabos, qui ont fait certes beaucoup de mal et de victimes, étaient très visibles, ayant pignon sur rue, mais peu représentatifs de la grande majorité du peuple français.
Il est heureux que le temps des déchirures soit passé et que l’on ne soit pas non plus obligés de revenir sur la sombre et sordide période d’épuration de 44 à 47.
Si au moins le patriotisme, c’est-à-dire la cause française, devenait la priorité des droites, ce qui me semblait être l’une des aspirations de ces journées de Béziers, nous n’aurions plus à stigmatiser tel ou tel mouvement qui, dans un parcours lointain, n’aurait pas pris, dans une époque confuse, les options qui paraissent si simples et si consensuelles aujourd’hui.
L’une des priorités, si j’ai bien compris l’esprit de ces journées, était aussi non pas l’unanimité mais l’apaisement et l’acceptation d’une diversité culturelle et politique pour un bien commun supérieur. Si même Anne Hidalgo l’a fait, le temps d’une inauguration, nous pouvions le faire aussi et, à plus forte raison, le temps de notre rassemblement.