Par Michel Servion
Michel Michel, sociologue grenoblois nous l’a appris « le pouvoir se prend à partie du pouvoir ». Plus une société est sophistiquée, plus les rouages d’un pouvoir sont complexes, plus les cercles de pouvoirs économiques, culturels, sociaux s’interpénètrent moins la fluidité sociale peut jouer, moins les échanges sont possibles.
Pire, dans ce type de société se vérifie la rebattue mais juste formule « il faut tout changer pour que rien ne change » et donc limiter le changement au sein même de la sphère qui le détient. Il est possible d’ailleurs que les cercles de dévolution du pouvoir aient toujours été soigneusement fermés et que seule la violence ait permis de les briser. La plupart du temps les changements de pouvoir se font plus ou moins pacifiquement à l’intérieur même des cercles qui le détiennent, par des procédures maitrisées et tiennent plus du règlement de compte que des convictions. Comme c’est aujourd’hui le cas.
De la confrontation de quelques analyses autorisées (celles de Juan Branco, Xavier Raufer, Natacha Polony, Hilaire de Crémiers …) on pourrait se demander si « l’affaire Olivier Duhamel » au-delà du cas d’espèce ne reflète et ne révèle pas une lutte d’influence au sein de « l’establishment ». Lutte d’influence assise sur des affaires qui, touchant à l’intime, sont de ce fait plus âpres et scandaleuses. Un exemple soulevé par Xavier Raufer : Les dénonciations de la pédophilie dans la « upper class » proviennent du sein même de ladite « upper class » médiatique, qu’elles dénoncent Matzneff, Duhamel ou Cohn Bendit. Pourquoi, si on exclut de brutales conversions au moralisme classique ? Parce que, explique Raufer, le culte de l’hédonisme et la haine de la « famille nombreuse » a conduit à sacraliser l’enfant unique et partant à le rendre, si on peut dire intouchable, et partant à rendre sacrilège celui qui attente à son intégrité. Branco de son côté a montré à l’envi que la jeune garde de la macronie était en filiation souvent biologiquement directe de la vielle garde socialo/soixante-huitarde mais qu’elle jugeait utilement tactique de se refaire une virginité en rompant bruyamment avec des parents reconnus sulfureux.
On constate donc une rupture au sein de l’oligarchie où les modernes (les jeunes) purgent l’héritage en en dénoncent bruyamment des tares devenues politiquement incorrectes (il faut que tout change …) pour mieux fonder leur propre pouvoir (… pour que rien de change). C’est le même type d’analyse que privilégie Natacha Polony.
Mais on assiste aussi à la mutation d’une autre rupture : celle qui sépare les « élites » du peuple français. Par des formules audacieuses Hilaire de Crémiers tend à montrer que les turbulences des modernes s’ajoutaient à celle des anciens pour désigner la réalité d’un État séparatiste au regard d’une société civile ou plutôt d’une France profonde pas encore (totalement) gangrenée. Il y aurait pour Hilaire de Crémiers une sorte de séparatisme d’État. Un séparatisme finalement renforcé puisque sachant au besoin retrancher de son arbre certains fruits parmi les plus pourris.
Et si, à partir de ce constat il était possible de rajeunir la vieille problématique pays réel/pays légal ?