Par Michel Servion
Le 20 janvier 2021 Benjamin Stora, choisi par Emmanuel Macron remettait un rapport sur les mémoires de la colonisation et de la guerre d’Algérie ». Le pari était risqué, mêlant d’ailleurs colonisation et Algérie (qui n’était pas une colonie,) tant le sujet reste passionnel. De plus le rapport devait proposer des «initiatives communes entre la France et l’Algérie » sur les questions de mémoire.
La limite de l’exercice était inscrite dans la commande elle-même : commande « française », rédaction « française », le résultat ne pouvait prétendre (ou alors quelle prétention « néo colonialiste » !) exprimer le point de vue algérien et d’ailleurs les réactions algériennes se sont révélées sans concession. Il ne pouvait y avoir que mécompte car si la mémoire des Français est divisée (les uns se souviennent de leur engagement pour une France « de Dunkerque à Tamanrasset) et les autres de la nécessité de soutenir un peuple en lutte » la doxa algérienne, celle de L’État, la seule qui puisse s’exprimer est UINIVOQUE. Le résultat est que nécessairement le point de vue français était voué à l’écartèlement face à une vision algérienne monolithique et exprimée sans nuance par le président de la banque d’Algérie qui prétend que la prétendue « colonisation » française les Algériens seraient 80 millions.
C’est sans doute en vain que M. Stora aura tenté, de maintenir un point de vue médian qui certes ne satisfera pas tout le monde et à coup sûr pas le FLN, dont L’État algérien. Mais pouvait-on d’un tel travail espérer plus qu’une réconciliation (non aboutie en l’espèce). Mais sans doute est-il trop difficile de réconcilier à coups de bonnes intentions (faisons ce crédit au rapport) les fractures d’une guerre idéologique (à l’époque on parlait bien de guerre révolutionnaire dont celle d’Algérie était emblématique).
Avant de se réconcilier avec l’autre il convient d’abord de se réconcilier avec soi même. Du côté algérien je m’en suis entretenu avec de nombreux Algériens et j’ai bien compris que les Algériens avaient un besoin de réconciliation interne entre un peuple qui mesure sa misère et un État qui repose sur le mythe d’une guerre d’indépendance gagnée sur le tapis des idéologies dominantes.
Et côté français la réconciliation est tout aussi difficile et la réconciliation ne peut se faire sur des arguments mais bien sur une perspective nationale qui réconcilie ce que l’instrumentalisation idéologique s’est complu à diviser.
De tous les chapitres douloureux des évènements d’Algérie celui des harkis est symbolique d’une déchirure existentielle et illustrative d’une guerre civile.
Michel Michel* a proposé en son temps que soit votée une loi qui confierai à des harkis ou à leurs continuateurs la garde du Palais de l’Élysée et donnerait un statut éminent à ceux qui illustrent parfaitement la tragédie du déchirement le plus douloureux entre le sol natal et l’appartenance nationale. Une loi qui certes serait singulièrement « discriminatoire » mais tout acte symbolique n’est-il pas, par nature, « hors normes » ?
*Michel Michel , sociologue , auteur notamment de « cohérence » et du « débat royaliste ».