Par Antoine de Lacoste
Les premiers pas de Joe Biden sur la scène internationale sont d’une étrange incohérence.
Avec la Chine tout d’abord. Après avoir traité Xi Jinping de « voyou » pendant la campagne électorale (on se demande quel est l’intérêt de ce genre de rhétorique), Biden a fini par l’appeler et a eu un long entretien téléphonique avec lui. C’était le 12 février dernier.
La conversation fut stérile, Biden confirmant les sanctions prises pas Trump et demandant au dirigeant chinois de respecter les droits de l’homme à Hong-Kong et dans la province du Xinjiang. Il est toujours distrayant de voir les dirigeants occidentaux demander à des régimes communistes de ne plus réprimer leurs opposants mais ils ne peuvent pas s’en empêcher. Ils ont fait pareil en Syrie en demandant aux djihadistes de devenir démocrates avec des résultats probants comme chacun sait.
Les Chinois ont poliment salué cet appel et, peu loquaces par nature, attendent concrètement de connaître la nouvelle stratégie américaine.
Ils n’ont pas eu à attendre longtemps : le 18 mars, à Anchorage en Alaska, les représentants des deux administrations tenaient leur première réunion commune. Ce fut un désastre. Le secrétaire d’État américain, Tony Blinken, s’est lancé dans une longue litanie de reproches face à la délégation chinoise : Hong-Kong, Xinjiang, Taïwan, cyberattaques contre les États-Unis (tiens, il n’y a pas que les Russes), coercition économique contre ses alliés (l’Australie en l’occurrence), tout y est passé.
Les Chinois ont répliqué sur le même ton, demandant à l’Amérique de ne pas s’occuper des problèmes internes à la Chine et concluant par la bouche de Yang Jiechi : « Nous sommes prêts pour une concurrence féroce ».
Il y a bien sûr une grande part de mise en scène dans ces joutes stériles. Mais Biden qui reprochait son agressivité diplomatique à Trump, fait finalement la même chose que lui sur le plan commercial, les droits de l’homme en plus.
La veille de cette réunion, le 17 mars, Biden a provoqué la stupéfaction en traitant Poutine de tueur. Jamais, même au pire temps de la guerre froide, un dirigeant américain n’avait parlé de la sorte. Calcul ? Dérapage ? On ne le saura jamais mais affirmer que « L’Amérique est de retour » et commencer par insulter les dirigeants des principales grandes puissances est assez étrange.
Au moins, pourrait-on penser, Biden a entrepris une grande offensive de charme vers l’Europe. Dans les mots oui, dans les faits, c’est le contraire.
Ainsi, Anthony Blinken, qui promet décidément beaucoup, a relancé le processus de paix en Afghanistan et cité plusieurs pays pour discuter d’un plan « de la dernière chance » : tous les pays concernés sont cités : Russie, Chine, Pakistan, Iran et même la Turquie (on se demande d’ailleurs pourquoi), tous sauf l’Europe malgré ses milliards engloutis en Afghanistan et ses centaines de soldats morts.
Ce « camouflet », comme l’appelle Le Monde du 18 mars, laisse l’Europe stupéfaite mais assez passive. Une première réunion a donc eu lieu à Moscou où les Européens n’étaient pas invités conformément au souhait américain. Cela a dû bien amuser Poutine et Xi Jinping…
Les Américains rencontrent donc ceux qu’ils insultent et écartent ceux qu’ils cajolent : on a un peu de mal à suivre…
La première conférence de presse de Biden du 25 mars n’a pas calmé les inquiétudes. Le délai (plus de deux mois après son élection) est déjà un signe et beaucoup se posent la question aux États-Unis : Biden est-il capable de tenir une conférence de presse ? Même Le Figaro s’inquiète : « Restant souvent dans les généralités, de temps à autre hésitant et cherchant ses mots » et d’ajouter superbement : « Biden est parfois apparu confus, mais il est resté cohérent malgré quelques hésitations. » Là aussi, il faut suivre.
Mais rassurons-nous, Biden n’a pas exclu de se représenter en 2024.