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Celui qui n’aime pas l’État, n’aime pas la France

Par Dr Charles Saint-Prot

Directeur général de l’Observatoire d’études géopolitiques

L’annonce que le gouvernement libéralo-macroniste a l’intention de supprimer le corps des préfets s’inscrit dans une logique de déconstruction qui rejoint la suppression de l’École national d’administration (créée par le général de Gaulle) ou la haine du régime à l’égard des maires et autres élus locaux. Il est important de noter que, dans l’esprit du régime, il ne s’agit pas de supprimer les préfets mais leur corps, c’est-à-dire que des préfets pourront être nommés, dans l’avenir, en fonction du sexe, de la couleur de la peau ou de leur orientation sexuelle… Et non pas, comme l’affirme le premier ministre, pour améliorer la gestion des cadres de l’État « selon une logique fondée sur les parcours et les compétences » mais bien selon le bon vouloir du régime et sur des critères communautaristes ! Cela s’appelle la discrimination positive et le spoil system aux États-Unis, qui semblent être le modèle de référence de celui qui est aujourd’hui président de la république.

Bien sûr, nous n’ignorons pas les dérives du système républicain depuis quelques décennies, notamment le fait que les préfets – comme tous les agents publics civils ou militaires- soient nommés en fonction de leur étiquette politique ou de leur affiliation à telle ou telle « société secrète » favorisant les magouilles les plus éhontées. Mais cela ne signifie pas qu’il faudrait jeter le bébé avec l’eau du bain. Comment ne pas voir que le régime actuel a pour véritable obsession d’abaisser l’État, donc la nation.

Car, il faut bien constater que ceux qui s’ingénient à démolir l’État ont pour seule ambition le déclin de la France. La souveraineté de l’État ne garantit pas seulement les libertés des citoyens, mais plus encore elle permet de préserver l’indépendance nationale qui est la plus précieuses des libertés. Depuis plusieurs siècles, l’État-nation est le socle de l’ordre international. Comme l’avaient déjà conçu Henry IV et Sully avec leur concept de «  Grand Dessein »  visant à mettre un terme au déséquilibre géopolitique européen incarné par la superpuissance des Habsbourg[1],  l’État-nation souverain devient la plus haute autorité du droit international, en 1648, avec les traités de Westphalie qui mettront en pièce la notion d’empire avec l’abaissement du pouvoir des Habsbourg et l’émiettement de l’empire germanique car celui-ci ne pouvait se consolider que contre la France. Accomplissant les objectifs de la politique traditionnelle de la monarchie française, la paix de Westphalie, qualifiée par Bainville de « chef-d’œuvre politique du XVIIIe siècle », fit en sorte que l’État-nation souverain devint la plus haute autorité de ce droit international moderne qui vit le jour à cette occasion. Les traités de Westphalie, réaffirmés par le Congrès de Vienne de 1815, fixèrent le cadre de la souveraineté absolue des États comme principe fondamental du droit international. L’État-nation étant le socle de l’ordre juridique qui se met en place, les petits pays obtiennent les mêmes droits que les grands. À la place d’une relation entre dominant et dominé au sein d’empires artificiels, la coopération entre des États égaux en droit devient la règle. Les traités de Westphalie ont surtout reconnu que l’empire universel était chimérique. Ils portent condamnation de tout projet supranational dont la mortifère construction européenne qui est l’expression même du mythe d’une mondialisation renvoyant à la thématique libérale, laquelle repose sur le mythe du « doux commerce » venant se substituer aux conflits guerriers. 

En conséquence, le premier souci d’un projet véritablement national doit consister à restaurer l’autorité de l’État national, lequel doit retrouver son rôle, à commencer par un engagement public résolu dans les domaines régaliens. Michel Onfray qui vient de publier La nef des fous (collection Bouquins) notait récemment que les rodomontades du ministre de l’intérieur ne doivent pas nous tromper, il y a un délitement de l’État et la France est de plus en plus menacée par la guerre civile. On a vu par exemple lors de la crise sanitaire que M. Macron et son équipe préfère l’idéologie à la réalité, refusant de fermer les frontières au nom du dogme ultralibéral du laisser-faire, laisser passer. N’oublions pas que les mêmes rêvent d’une armée européenne, la vieille rengaine de la CED, c’est-à-dire d’une Europe allemande qui ne rêve de réduire l’arsenal militaire français (surtout le nucléaire) qui est le seul atout de la France face à une Allemagne de nouveau sure d’elle, dominatrice et arrogante.

En résumé, il parait difficile de défendre la France et les Français quand on s’ingénie à détricoter l’État et qu’on adhère à tous les mythes supranationaux – dont le sinistre mythe européiste – qui ont tous pour leitmotiv de vouloir faire le sauter le verrou de la nation. L’État français ne saurait se laisser subordonner à un super-État dont la conception ne peut naitre, écrivait Charles Benoit, que « chez des peuples qui n’ont ni voisins, ni rivaux, ni ennemis, ni histoire… » Les principes de la souveraineté de l’État et de l’indépendance de la nation renvoient tout uniment à l’idée de liberté, laquelle serait perdue, dit Renan, « si le monde n’avait qu’une loi et qu’un maître ». Cette règle, héritée de la civilisation grecque mais ignorée du pouvoir macroniste, est l’une des idées fondamentales de la pensée française, laquelle a toujours opposé la mesure, garante de la dimension humaine, au gigantisme, tendant au totalitarisme.


[1] Jacques Bainville, Histoire de France, ch. X, Paris, Nouvelle Librairie nationale, 1924, nombreuses rééditions.