L’éditorial de François Marcilhac
Tout se met en place pour la prochaine présidentielle et, si nous étions républicains — hypothèse évidemment absurde —, nous ne saurions trop fulminer contre ce hold-up prémédité de l’élection. La messe est dite : ce sera un second tour Macron-Le Pen avec une victoire plausible du premier sur la seconde, moins bien qu’en 2017 mais comme en 2017 tout de même. Quant à la peur, instillée dans les médias contre une possible victoire de l’hydre fasciste, elle n’a d’autre fonction que de mobiliser très en amont ceux qui seraient tentés par l’abstention. D’ailleurs qu’il s’agisse de la gauche ou de la droite dite républicaine, c’est à celui qui, comme si son honneur en dépendait, appelle déjà à voter Macron au second tour de 2022. Ainsi, récemment sur France. Inter, pour Jadot, le présumé candidat écologiste, ou pour Benoît Hamon, le président de Génération.s (sic), qui a fini de saper la maison socialiste en 2017, le point ne se discute même pas, ce qui montre qu’ils s’inscrivent déjà dans le schéma médiatico-politique préétabli. Quant aux LR, qui hésitent, pour la prochaine présidentielle, entre disparaître et ne plus exister, on imagine mal que, quelques individualités mises à part, ils appellent à voter pour Marine Le Pen.
Celle-ci ne ménage pourtant pas ses efforts pour se rendre aussi passe-partout que possible : dernièrement encore s’agissant de la Cour européenne des droits de l’homme, dont elle ne veut plus sortir, ne la considérant plus comme un obstacle à la réalisation de ses objectifs. Or, comme la CEDH n’a pas modifié d’un iota sa philosophie — disparition des souverainetés nationales et instauration de la démocratie universelle sur fond de dictature des juges —, cela revient à dire que c’est Marine Le Pen qui, de manière draconienne, a revu ses ambitions à la baisse. Tactique électorale sur fond de cynisme politique ? Ce serait peut-être lui prêter un esprit de calcul qu’elle n’a pas. De manière plus plausible, elle est convaincue, non sans quelque raison d’ailleurs, que les échecs précédents du camp dit national sont dus en grande partie à un discours anxiogène — Frexit, sortie de l’euro —, dont l’effet, sur un suffrage universel naturellement conservateur de l’existant, fut d’autant plus dévastateur qu’il était conjugué à un amateurisme évident. Aussi parie-t-elle sur un discours inverse, qui, loin d’inquiéter les Français et les élites, vise à acquérir en crédibilité ce qu’il perdra en vigueur. C’est ainsi que, sur fond de faux réalisme et de vrai manque de courage politique, le RN se conforme, au plan dit sociétal, au prétendu effet de cliquet. C’est ainsi aussi que, pour rassurer tant les élites que les marchés, elle proclame un attachement tout neuf à la CEDH. On voit pourtant où cet affadissement du discours, ces multiples redditions avant le combat, qui, au nom de la recherche d’un consensus mou sur de prétendus acquis sociétaux, reconnaissent à la seule gauche le droit légitime de diviser les Français, ont conduit la droite parlementaire ! D’autant que, comme en témoigne, par exemple, après quarante ans, la toujours grande popularité de la peine de mort, dont le rétablissement est pourtant rendu impossible par nos différents engagements internationaux, les Français ne semblent pas convaincus par la métaphysique de l’effet de cliquet.
Or, à force de ne plus faire la différence, on prend le risque de devenir insignifiant. Et de passer d’un discours anxiogène à un discours démobilisateur. Un équilibre est à trouver car, si la normalisation peut aider à casser le fameux plafond de verre, elle peut aussi avoir pour effet de décourager son électorat sans en gagner un autre. Car ce sera alors la compétence qui fera la différence : or le RN n’a jamais eu de responsabilités nationales. Ce ne sera pas, en tout cas, la promesse d’un quelconque référendum sur l’immigration, d’autant que la ou les questions posées, puisqu’il n’est plus question de quitter la CEDH, devront respecter les clous très contraignants de cette institution supranationale, très susceptible en matière de droits des migrants, réfugiés et autres clandestins. Autant dire qu’il s’agira d’un référendum pour rien. Tant que nos futurs gouvernants ne se souviendront pas que l’Europe n’est rien sans la France, une expérience populiste ne pourra y finir qu’en eau de boudin, comme en Italie.
Tandis que, contrairement à son engagement de 2017, Macron ne cesse d’abaisser la fonction présidentielle, notamment par un jeunisme sans surmoi, qui est surtout une profonde marque de mépris pour la jeunesse de notre pays, le principal handicap de la France est l’uniformisation, sur fond de médiocrité, de sa classe politique. La droite et la gauche partageant les mêmes tabous — l’Europe, les droits de l’homme, la soumission aux évolutions sociétales et à toutes les formes de minorités, le mondialisme, la nécessité de l’immigration —, tout discours qui s’en éloigne, si peu que ce soit, se trouve diabolisé. Nul besoin dès lors de faire dans le conformisme, qui est un vrai tonneau des Danaïdes.
C’est d’un troisième homme que la France a besoin, dont la responsabilité historique sera d’assurer le passage. Il ne le pourra qu’en tenant un discours de vérité aux Français, qui se montreront plus réceptifs que le pays légal l’imagine. Rien n’est encore joué, contrairement à la certitude que veulent nous imposer les médias officiels.
François Marcilhac