Par Louis-Joseph Delanglade*
Le nouveau psychodrame électoral que nous venons de subir en France a occulté un événement tout aussi affligeant, celui du dernier Sommet européen des 24 et 25 juin.
Comme on pouvait s’y attendre, l’U.E. a confirmé son incapacité à prendre des décisions fortes concernant le problème des migrants autrement qu’en le sous-traitant à coups de milliards d’euros, accordés principalement à la Turquie. En revanche, la surprise est venue de la proposition franco-allemande de renouer le dialogue avec l’infréquentable Russie – dialogue timidement esquissé par M. Macron en 2018, avec cette idée bien française qu’on ne peut ignorer une si grande puissance, européenne de surcroît, aux portes de l’Union. Excellente idée, au demeurant.
Les motivations de Mme Merkel sont sans doute différentes. Surtout soucieuse des intérêts allemands (ce n’est pas elle qui aurait, comme l’a fait M. Hollande, pénalisé son pays en annulant la vente à Moscou de navires militaires), elle reste focalisée sur la réalisation du gazoduc Nord Stream 2 qui permettra à la Russie de multiplier par deux la quantité de gaz à destination de l’Europe et en particulier de l’Allemagne. Il se trouve que les États-Unis ont finalement renoncé à bloquer ce projet et que Mme Merkel, présentée comme le « meilleur allié » sera reçue à la Maison Blanche le 15 juillet prochain. Forte de l’aval américain, et du soutien français, Mme Merkel n’imaginait pas que perdurerait l’opposition de principe de certains pays de l’Union. Pourtant, quoiqu’elles soient les deux puissances motrices et historiques de l’Union, France et Allemagne n’ont pu faire prévaloir leur point de vue.
Toutes deux pensaient tirer argument de la rencontre de Genève (16 juin) entre MM. Biden et Poutine. Paradoxe, la ligne dure contre Moscou, faute politique s’il en est, s’inscrit dans le droit fil de cette rencontre : il est évident que la plupart des États de l’Union ont pris acte du réengagement américain et reformé les rangs du « camp occidental », rendant inutile voire dangereuse toute initiative séparée. Voici donc M. Borrell, chef de la diplomatie européenne (sic), humilié comme on sait à Moscou, chargé d’élaborer contre la Russie un plan de mesures contraignantes pouvant aller jusqu’à de nouvelles sanctions économiques – rien ne sert donc de leçon.
Les plus en pointe contre la Russie ont été, paraît-il les États baltes, la Pologne, la Roumanie (on peut les comprendre) mais aussi la Suède et les Pays-Bas (rien d’étonnant). Belle cacophonie. Le plus vexant pour l’U.E. reste que, ce faisant, elle donne raison à M. Poutine qui, on le sait, se comporte avec elle comme si elle n’était pas une puissance de premier plan et, surtout, la considère comme un appendice des États-Unis. Non sans ironie, le Kremlin a déclaré avoir appris « avec regret » la décision négative de l’U.E. et ajouté : « Le président Poutine reste d’une manière générale favorable à l’établissement de relations de travail entre Moscou et Bruxelles. »
Mais qu’on se rassure : l’U.E. a condamné avec la plus grande fermeté la petite et vaillante Hongrie, laquelle, accusée d’atteinte aux sacro-saintes « valeurs » de l’Union (M. Rutte, Premier ministre néerlandais affirme qu’elle [la Hongrie] n’a « plus rien à faire dans l’Union européenne »), refuse encore et toujours d’abdiquer sa souveraineté.