Par Hildegarde
Des voix s’élèvent de plus en plus pour dénoncer la Cancel culture venue des Etats-Unis en boomerang de la déconstruction prônée par des philosophes et sociologues bien français au XXe siècle (French théorie). Ces mêmes voix dénoncent, à juste titre, une dictature des minorités : racialisme, LGBTXYZ, islamo-gauchisme, féminisme à géométrie variable… Les stigmatisations offrent un panel infini de victimes dès lors que l’individu est roi.
Mais pourquoi les élites politiques, médiatiques, culturelles sont elles les courroies de transmission de ces minorités ?
Le bien de l’individu contre le bien de la Cité ! Tout au long de l’Histoire ce débat anima les philosophes. Aristote s’en saisit quatre siècles avant notre ère jusqu’à
St Thomas d’Aquin pour faire accepter de sacrifier un peu de sa liberté au service du Bien commun. Puis les modernes s’en saisirent à rebours pour redonner valeur aux droits de l’Homme. L’interprétation des Droits de l’Homme fluctue largement au XXe siècle : les Etats protecteurs de la Cité deviennent potentiellement les empêcheurs de tourner en rond de citoyens opprimés* En France, les lois sont modifiées sans cesse au profit des désirs particuliers sans limites selon l’avancée des découvertes scientifiques.
Mais paradoxalement, la revendication de pouvoir exercer sa liberté individuelle sans contraintes, devient l’occasion pour tous les frustrés de l’Histoire, en se victimisant, d’agresser ceux qui se tiennent ingénument dans une norme admise par la civilisation millénaire, en exerçant sur eux un harcèlement et une répression culpabilisante sans précédents.
Il ressort de cette application de la pensée « française » déconstructiviste (Foucault, Bourdieu, Dérida), ayant retraversé l’Atlantique pour fondre sur une Europe en pleine crise d’anomie et de perte de sens, l’instauration violente et sauvage de nouvelles normes s’appuyant sur l’absence de réflexes critiques jugés sacrilèges par le nouveau clergé de « la cage aux phobes » (cf. Philippe Muray)
Ces élites toujours à l’affût de la meilleure bien-pensance du moment sont prêtes à laisser dépecer le peuple, décidément trop rustre, par les groupes communautaires les plus extravagants, les plus incultes aussi à la mesure de l’inculture dominante en Occident et à mettre le genou à terre à la moindre occasion.
Il s’agit de constater les fractures profondes qu’occasionnent ces singulières innovations dans notre société et l’abîme qui se creuse entre les « élites » et la majorité des Français. Gilets jaunes, sondages, désaffection des urnes, ouvrages d’essayistes ou de sociologues, expriment suffisamment ce constat pour qu’il soit recevable… Jusqu’à il y a peu, nous pouvions considérer que la Cancel culture était le fait de modes, de bobos, d’intellos perchés, bref d’un parisianisme regardé avec commisération et indulgence résignée, ceci générant peu de réactions.
Désormais, l’affaire est plus grave car ces théories ont infiltré tous les étages de la société : d’abord l’école (malgré les dénis offusqués de ministres tels Madame Najat Vallaud-Belkacem) avec le travail sur les programmes scolaires ou l’intervention d’associations militantes ; ensuite le monde culturel à travers notamment les distributeurs de subventions ou d’avances sur recettes (votre film ne sera jamais choisi si vous ne cochez pas les bonnes cases) ; puis le monde politico-médiatique qui, lui, suit ceux qui hurlent le plus fort notamment dans la rue. Il est frappant de voir, par exemple, combien quelques hurluberlus assis par terre ou quelques femmes les seins nus, voire quelques trans en bas résille, attirent l’ensemble des caméras mainstream alors que trente mille pèlerins sur les routes de Chartres ne font pas une ligne dans cette même presse…
Mais accuser autrui ne suffit pas à expliquer l’emprise des minorités. Déjà, dans « la grande peur des bien-pensants » en 1931, Bernanos dénonçait l’apathie des catholiques… Il est savoureux de voir aujourd’hui des essayistes, souvent non catholiques comme Zemmour ou Onfray, remarquer que la dictature des minorités fait son lit sur la chute du christianisme pour le déplorer, tandis que bien des élites catholiques continuent à vouloir à tout prix suivre le vent n’ayant en cela qu’une ambition de feuille morte pour reprendre la formule du grand Gustave Thibon. Le réveil de la France ne se fera que lorsque les Français se souviendront d’où ils viennent et qu’ils retrouveront leur courage. Il est plus difficile de ne pas être dans le vent pour reprendre la métaphore.
Dans une réunion quelle qu’elle soit, le mondain ou le militant exprime ce que tout le monde doit penser. Vous avez alors ceux qui approuvent béats se sachant dans le camp du bien, ceux qui approuvent du bout des lèvres n’osant sortir de ce camp , autant en emporte le vent, et parfois, pas toujours, vous avez un enfant qui crie « le roi est nu » ! On attend que l’adulte ait la lucidité de l’enfant mais donc aussi du courage. Oh, il ne s’agit pas de risquer sa vie ou même l’opprobre car souvent (que celui qui n’a pas vécu cette expérience lève la main) vous n’êtes plus tout seul : Vous avez en quelque sorte fait souffler un autre vent, celui de la liberté et quelques-uns, parfois une majorité, se rallie à votre position.
La chape de plomb est en train de fondre ; Espérons que la majorité des Français riche de l’héritage de notre civilisation et en particulier de l’héritage de la fille ainée de l’Eglise se souviendra enfin des promesses de son baptême …
* Voir à ce sujet le livre de Gregor Puppinck, les Droits de l’Homme dénaturé