Par La RÉDACTION de L’ASAF
Régulièrement nous avons pris l’habitude de publier les réflexions de l’ASAF, l’association de soutien à l’armée française, sur les questions géostratégiques évoquées du seul point de vue de l’intérêt de la France. L’armée rompue aux opérations extérieures et aux représentations militaires partout dans le monde est bien placée pour nous présenter ses propres analyses. (NDLR)
Menaces
Ces derniers mois ont vu la France mise à rude épreuve sur la scène internationale en raison de la remise en cause – jusqu’à la contestation – de certains de ses intérêts stratégiques.
– En premier lieu, la rupture sans préavis du contrat « du siècle » de 12 sous-marins signé avec l’Australie, sous la pression des États-Unis et avec la connivence de la Grande-Bretagne. Il est possible que le partenariat stratégique, noué à cette occasion il y a quelques années entre la France et l’un des 5 pays anglo-saxons du réseau de renseignement très fermé Echelon, ait pu devenir gênant pour ces 2 États. Mais c’est surtout la rivalité sino-américaine dans l’Indo-Pacifique qui en est la cause ; elle confère en effet à l’Australie une importance stratégique majeure dans le dispositif américain visant à contenir l’empire du milieu.
– D’autre part, après avoir poussé un pion en République centrafricaine, la Russie s’apprête à prendre pied au Mali grâce au groupe Wagner, véritable faux nez de ses services de renseignement. Ainsi, la présence de ce groupe russe pourrait conduire le Président français à décider de quitter ce pays du Sahel où pourtant la France est engagée et combat avec plus de 5 000 hommes et où elle a déjà perdu plus de 50 soldats. La France a-t-elle une stratégie générale, c’est-à-dire une politique, à la fois claire et réaliste en Afrique ? La question est d’autant plus légitime qu’il en va de la vie de nos soldats.
– Enfin, à quelques semaines du 3e référendum qui, le 12 décembre 2021, scellera l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, la Chine renforce ses opérations d’influence sur ce territoire hautement stratégique pour la France, dans le but de rendre le résultat de cette 3e consultation favorable à l’indépendance. Pour la France, l’indépendance de cette collectivité d’outre-mer engendrerait une perte considérable. En effet, ce territoire de 19 000 km2, situé à 1 500 km à l’est de l’Australie, 4e producteur mondial de nickel, lui donne une zone économique exclusive (ZEE) de plus de 1,4 million de km2. Il constitue par ailleurs un remarquable porte-avions de 400 km de long situé à 18 000 km de Paris.
Ce sont donc les États-Unis, la Russie et la Chine que la France doit affronter, lâchée par une Union européenne impuissante, tant les intérêts des nations qui la composent sont hélas divergents sur les questions stratégiques.
Face à ces évènements et à ces concurrents, les Français doivent prendre conscience des multiples menaces qui pèsent sur eux et qui mettent en cause leur sécurité, leur liberté et leurs emplois partout dans le monde. Il leur faut admettre que les relations internationales reposent d’abord sur des rapports de force.
Crédibilité
Pour résister, puis riposter et atteindre ses objectifs, il importe que la France restaure d’urgence sa crédibilité aux yeux des autres nations faute de quoi elles se tourneront vers les puissances qui paraissent les plus fiables.
– Tout d’abord, assurer son intégrité territoriale tant en Métropole que dans les DROM- COM en y affectant les moyens nécessaires. Ces territoires constituent des bases interarmées nécessaires pour contrôler les ressources de notre ZEE de plus de 11 millions de km2 (la 2e du monde).
– Ensuite, renforcer la crédibilité des forces armées en dotant celles-ci de ressources accrues leur permettant d’accélérer la modernisation de leurs équipements, la mise à niveau de leurs stocks de munitions et leur capacité à durer. Ce n’est pas en 3 ans que notre armée va combler ses lacunes et remonter en puissance alors que pendant 40 ans le budget de la Défense n’a cessé de diminuer. Nous engagions 450 hélicoptères pendant la guerre d’Algérie il y a 60 ans, 120 il y a 30 ans dans la guerre du Golfe et maintenant…16 dans l’opération Barkhane. Tout est dit ou presque !
– Enfin, pour satisfaire ces besoins, rétablir l’équilibre budgétaire est un impératif absolu afin de retrouver à terme des marges de manœuvre et pouvoir faire face à l’imprévu. Aujourd’hui notre dette représente 120 % du PIB soit 2 450 Mds € à comparer aux 40 Mds du budget de la Défense en 2021 !
Fierté
Dans le même temps, il importe de réaffirmer la fierté d’être Français et la volonté de demeurer une nation forte, libre et rayonnante. À cet égard les leçons du parcours d’Hubert Germain, dernier Compagnon de la Libération, sont à même de nous inspirer.
– Son choix fait à 19 ans de servir la France jusqu’au sacrifice au prix de son intérêt personnel. Il nous fait comprendre que le droit à la liberté individuelle ne peut exister que si le premier devoir que constitue la défense collective est assuré. En 1940, le territoire national est découpé en 6 zones, Paris est sous la botte allemande, la France en tant que pays libre n’existe qu’à travers ceux qui se battent pour sa libération tant en Métropole qu’à l’étranger. Quand on est vaincu, on devient l’esclave du vainqueur ; se battre est donc le gage de la liberté ! Après Bir Hakeim de Gaulle écrira :« À Bir Hakeim où le rayon de sa gloire renaissante a caressé le front sanglant de nos soldats, le monde a reconnu la France ».
– Placer le courage comme première vertu. Pas question pour Hubert Germain de se réfugier dans un autre pays en paix, de demander asile… Un seul devoir : combattre pour la liberté de la Patrie qu’il chérit. Il sait et nous rappelle « qu’un homme sans courage est une chose ». C’est une France forte, libre et combattante qui peut et doit rayonner sur le monde.
Dans une époque marquée comme toujours par l’incertitude et, pour la France, par un sentiment de déclin, d’affaiblissement et de déclassement, le salut passe par la volonté de nous redresser, de nous relever, de combattre, chacun dans notre domaine mais de manière coordonnée, avec un sens du collectif et le souci de l’intérêt général et du bien commun. Nous devons retrouver le goût d’être les meilleurs.
Le chemin de l’excellence est le seul qui vaille pour nous et pour notre pays. Nous y sommes condamnés si nous voulons vivre debout.