Par PHILIPPE LALLEMENT
C’est avec ce dernier article que s’achève la série sur l’Action Française et l’Islam, un dossier paru dans la Nouvelle Revue Universelle dont l’intérêt et la pertinence n’échappera à personne et particulièrement à ceux qui s’intéressent à la pensée d’Action Française. Il est intéressant de constater entre autres choses que le mouvement maurrassien, hier comme aujourd’hui n’a jamais cessé de réfléchir, et d’interroger le présent dans une recherche permanente d’objectivité intellectuelle. Merci à Philippe Lallement de nous l’avoir rappelé. (AF)
Une alliance contre nature : l’islamo-gauchisme
L’islamo-gauchisme s’est constitué entre 2000 et 2005, par la confluence de l’altermondialisme, de l’antisémitisme et de l’islamisme. À partir de 2006, par mimétisme américanophile (activisme « woke » et « cancel culture ») de l’extrême-gauche, il a évolué vers le décolonialisme, le féminisme radical, le gender et l’antiracisme racialiste[1]. Dominant dans l’Université par la pratique de l’intimidation et de l’épuration, l’islamo-gauchisme, est parvenu à répandre le thème de la « lutte contre l’islamophobie ». Cette véritable arme de combat a été conçue par les stratèges islamistes pour criminaliser toute critique de l’islamisation en imposant une image victimaire du musulman « racisé ». Pour l’abbé Guillaume de Tanoüarn, l’islamo-gauchisme est une mutation idéologique majeure qui abandonne la dialectique de l’universel et du particulier au profit de la déconstruction de la civilisation. L’enjeu du nouveau combat est donc civilisationnel, comme l’avait pressenti dès 1996 l’américain Samuel Huntington dans Le choc des civilisations et la refondation de l’ordre mondial[2]. La nouvelle génération d’Action française est en train d’intégrer cette nouvelle situation dans son approche de l’Islam. Lanceurs d’alerte, ses militants se sont portés à la pointe du combat en allant chahuter l’islamo-gauchisme sévissant au Conseil régional d’Occitanie. Action moins anodine qu’il n’y paraît : le très inclusiste président de la République a tenu à y dénoncer une… « tentative de bâillonner la démocratie » ! Les conservateurs restent trop souvent obnubilés par une sorte de gramscisme de droite : « culturel d’abord ». Mais les maurrassiens persistent dans la nécessité du « politique d’abord » tant l’action politique est déterminante dans l’évolution effective des situations concrètes. Tant est réel aussi le péril des alliances électorales et des connivences du pays légal (toutes tendances réunies) avec « l’Islam modéré ». Les islamistes savent que si la voie terroriste est inadaptée à la France, il leur est possible d’agir par la petite musique de « l’Islam des Lumières » et du suffrage universel. La Ve République n’est-elle pas à prendre avec seulement 24% des votants au premier tour de la présidentielle ? C’est ce que pense Jean Luc Mélenchon, à qui il n’a manqué que 600 000 voix en 2017 : il va maintenant les chercher dans les cités. Mais pourquoi l’Islam « modéré » ne parviendrait-il pas, électoralement, à se débrouiller seul ? C’est déjà le cas à Goussainville, Trappes et Garges-lès-Gonesse. C’est ce scénario qu’a magistralement anticipé Michel Houellebecq dans son ouvrage Soumission. Pour la prochaine présidentielle, en 2022, vu l’épuisement accéléré du cycle de Lumières, beaucoup d’options se révèleront possibles, avec des alliances inattendues, apparemment contre nature.
[1] Voir Pierre-André Taguieff, « Islamo-gauchisme : retour sur un mot qui fâche », entretien pour Monde et Vie n° 997, avril 2021.
[2] Traduction française publiée aux éditions Odile Jacob (2021).
Philippe Lallement,
Retrouvez les 10 articles précédents de la série L’Action Française et l’Islam :
1/11 – La laïcité comme nœud gordien
2/11 – Quatre générations actives, porteuse de solutions originales
3/11 – 1930 – La dernière époque coloniale
4/11 – 1960 – La décolonisation
5/11 – 1990 – l’Immigration entre communautarisme et assimilation
6/11 – L’intégration communautaire de la « Génération Maurras ».
7/11 – Une ligne de crête instable et menacée
8/11 – 2020 L’alliance islamo-gauchiste