Par Jacques MYARD
Membre Honoraire du Parlement
Maire de Maisons-Laffitte
Président du Cercle Nation et République
Président de l’Académie du Gaullisme
(Libre opinion)
Deux crises internationales – l’Ukraine et le Sahel – interpellent l‘attention des Français, alors que d’ordinaire, ils sont davantage à s’interroger sur les difficultés rencontrées en France que sur la marche du monde.
Les bruits de bottes en Europe de l’Est et les coups d’État répétés en Afrique gagnent l’esprit collectif des Français et les inquiètent.
Ils s’en inquiètent car ils réalisent que la situation internationale n’est pas dans un ailleurs lointain mais qu’elle est bien une réalité tangible qui risque d’affecter directement leur tranquillité.
Surtout, ils prennent conscience que la France ne maîtrise pas ces événements et les subit, risquant d’être entraînée dans des conflits qui ne sont pas les siens.
Ces craintes ne sont pas des fantasmes, elles sont fondées, tant notre politique étrangère apparaît sous la mainmise et l’influence de puissances étrangères ou d’utopies.
Il convient de réaliser que la France, par de multiples alliances, a perdu son autonomie de décision pour conduire en toute indépendance sa diplomatie.
Certains bien-pensants haussent les épaules et moquent cette prétention, au nom d’un prétendu réalisme ; la France ne serait qu’une puissance moyenne – ce qui frise un lâche abandon :
« Une nation fatiguée de longs débats consent volontiers qu’on la dupe, pourvu qu’on la repose » A. de Tocqueville
C’est là un non-sens, une faute d ‘analyse géostratégique ; en effet, nous vivons dans l’ère des puissances relatives : les hyperpuissances, qui voudraient dominer la scène internationale et imposer leur volonté et politique, ont toutes les chances de liguer et coaliser le monde contre elles.
En d’autres termes, la France, 5ème ou 6ème, puissance mondiale, conserve sa capacité à faire bouger les lignes, à la condition de cultiver son indépendance, de s’en donner les moyens, en cohérence avec un projet politique déterminé.
L’action diplomatique indépendante se construit d’abord avec des hommes qui font vocation de servir la nation sur tous les continents.
La politique du président de la République de vouloir fondre le corps diplomatique dans un corps d’administrateurs non spécialisés est une ineptie qui démontre l’incompétence de Jupiter-Macron en politique étrangère – incompétence qu’il illustre en faisant la cour à Donald Trump ou à Joe Biden dont il veut se faire des « copains ».
« Les États n’ont pas d’amis » Charles de Gaulle.
L’action diplomatique indépendante se construit par la défense et la promotion de notre langue en tout lieu et dans le cadre de la francophonie, notre langue est notre pensée.
« La langue est le ciment d’une nation » Jean d’Ormesson
L’action diplomatique indépendante se construit aussi par des moyens budgétaires pour que des diplomates envoyés dans le monde entier informent avec objectivité le gouvernement de la situation du pays où il réside. Ce n’est pas un travail de journaliste mais celui d’un analyste qui dépasse le scoop et inscrit son action dans la durée.
Il est regrettable que depuis des décennies le budget des affaires étrangères ait été diminué, nos implantations diplomatiques réduites. C’est la présence de la France qui, ainsi, s’efface dans de nombreux pays.
L’action diplomatique indépendante se construit dans l’unité de l’action. Il n’est pas acceptable que les Régions entretiennent de véritables ambassades à Bruxelles, en conduisant avec moult moyens budgétaires une politique quasi-rivale du gouvernement, satisfaisant ainsi le désir inavoué de l’UE de briser les États-Nations et de les remplacer par des régions sur le modèle de l’empire des Habsbourg.
L’action diplomatique indépendante se construit dans la nécessaire confiance entre l’outil diplomatique et le président de la République.
Or, depuis plusieurs décennies, les présidents croyant tout savoir, après avoir reçu le soir quelques intellectuels idéologues, court-circuitent le ministre des Affaires étrangères, les ambassadeurs, méprisés, pratiquent une diplomatie directe, oubliant qu’en cas d’échec, c’est la crise, car le président est le dernier recours, l’Ultima ratio.
L’action diplomatique indépendante se construit surtout loin des utopies, des projets artificiels, des plans sur la comète.
A ce titre, les envolées pétries d’euro béatitude du président Macron irritent tous nos partenaires et sont vouées à l’échec. L’idée d’une Europe fédérale est rejetée par tous les pays de l’UE ; en revanche ils souhaitent tous une UE de coopération – une Europe des Nations – qui s’en tienne à l’essentiel et applique la subsidiarité.
L’action diplomatique indépendante se construit en veillant à ne pas tomber dans le piège de l’engrenage des alliances.
A cet égard se pose la question de notre appartenance à l’OTAN dont la gouvernance est une organisation politico-militaire américaine qui poursuit des objectifs permanents en Europe : maintenir sous tutelle les pays européens tout en désignant l’ennemi parfait, la Russie.
La Russie a le droit de dire et redire que l’entrée de l’Ukraine et la Géorgie dans l’OTAN est une provocation, un casus belli ! Il est heureux que la France et l’Allemagne jugent que cette adhésion serait une faute géostratégique, n’en déplaise à de vieux alliés comme nos amis polonais qui ont connu avec l’URSS une histoire tragique.
« Jamais de confiance dans l’alliance avec un puissant » Virgile.
De plus, l’engrenage des alliances conduit à édicter des sanctions multilatérales dont il est très difficile de s’émanciper ; dans le cas des sanctions contre la Russie, les mesures de rétorsion de l’OTAN et de l’UE ne font pas plier Moscou, mais ce sont des sanctions contre nos intérêts politiques, économiques, culturels et diplomatiques en Russie.
C’est l’arroseur arrosé !
L’action diplomatique indépendante se construit sur les réalités internationales. Notre sécurité n’est pas mise en cause par la Russie ; en revanche l’Afrique est une bombe démographique à notre porte, traversée par des mouvements djihadistes de plus en plus agressifs qui déstabilisent les pays africains les uns après les autres.
Face aux coups d’état de militaires qui accusent la France et font appel à des Russes – la milice Wagner -, les salonnards parisiens estiment que l’opération Barkhane doit cesser, nos militaires rapatriés ; une telle attitude est une ineptie dont la mise en œuvre nous coûterait très cher, signifiant une victoire sans appel pour les terroristes ; en revanche la France a les moyens de ramener fermement certaines juntes à la raison, y compris par la force !
Il y va de notre crédibilité, les 53 soldats français tombés au champ d’honneur nous y exhortent !
L’action diplomatique indépendante se construit enfin par le soutien des forces armées nationales à la politique étrangère : le monde des bisounours n’existe pas !
« Être vaincu parfois. Être soumis jamais » Alfred de Vigny.
« Une nation n’a de caractère que libre et indépendante ». Germaine de Staël.