Par Hilaire de Crémiers
l est difficile de savoir si Poutine a réfléchi à toutes les conséquences de sa décision d’envahir l’Ukraine. Les premiers résultats sont là. Le sentiment national ukrainien s’est ressaisi. Plus il y aura de morts, plus il y aura d’attaques de villes – et ce n’est pas fini –, plus la population dans sa majorité se rebiffera devant de tels procédés. Il devait penser que l’affaire serait expédiée en un rien de temps. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Si la guerre s’installe dans la durée, il n’échappera pas à une résistance qui trouvera dans le passé des motifs puissants de se durcir.
Certes, comme il l’a lui-même expliqué avec trop de désinvolture, d’inexactitude et de mépris pour justifier son intervention, l’Ukraine est composite, c’est le moins qu’on puisse dire, partagée de langues, de traditions, de religions – et ce n’est pas rien, vu le passé –, d’histoires mêmes et d’origine, entre Ruthénie, Rus’ de Kiev, Petite Russie, Nouvelle Russie, cosaques Zaporogues, plus les installations de populations de la Grande Catherine et les déplacements opérés sous Staline, Khrouchtchev y ajoutant la Crimée par pur arbitraire. Ces disparités n’ont cessé de raviver des oppositions presque claniques, d’Ouest en Est, du Nord au Sud, avec des constitutions de milices et, il est vrai, certaines nazies, jusqu’à des points de rupture qui transformaient l’état central de Kiev en unique enjeu de pouvoir, de domination et de corruption. Il n’empêche que l’Ukraine formait une entité – et pas seulement juridique – qui se reconnaissait elle-même comme telle, historiquement et précisément par la reconnaissance collective de ses citoyens dans leur plus large ensemble. Surtout après l’éclatement de l’Union soviétique et après tant de souffrances indicibles – la grande famine ! –, tant de persécutions continues subies sous le joug de la dictature moscovite. Ce fut vécu comme une libération nationale.
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