Par Philippe Kaminski
Article publié en trois épisodes à l’orée du mois de mars 2022, en réaction à quelques annonces concernant la Francophonie, laquelle occupe traditionnellement le mois de mars.
Ces annonces n’ont guère pu se faire entendre, à l’ombre d’une terne campagne présidentielle, entre la pandémie de COVID et la guerre en Ukraine.
Économie Sociale et Francophonie, deux sœurs esseulées qui ont besoin d’un porte-voix…
Tant le mois de novembre est celui de l’Économie Sociale, à bruit si faible que nul ne l’entend plus, tant le mois de mars est celui de la Francophonie, qui promet cette année, au vu de la conjoncture qui s’annonce, d’être encore plus discret que ses devanciers. Je ne m’en réjouis pas, bien qu’étant depuis toujours sceptique, caustique, sarcastique et j’en passe vis-à-vis de ces « Mois » et autres « Journées Internationales » dont nul être sensé ne se soucie.
Pourtant, le millésime 2022 avait tout pour être bon, voire pour marquer un renouveau, un retour d’espoir de l’idéal francophone. L’inauguration du château de Villers Cotterêts, transformé en Cité Internationale de la Francophonie, était en effet prévue pour ces jours prochains, comme un des événements devant scander la campagne électorale. Las, il ne s’agira que d’une ouverture partielle, les travaux ayant été retardés par diverses contingences dont ces grands chantiers sont coutumiers. Mais de toutes façons l’ambiance n’y était plus. Nous avons dû subir successivement l’annulation du 18ème Sommet de la Francophonie prévu en novembre dernier à Djerba, puis les vicissitudes de la guerre au Mali, enfin de récentes secousses majeures de l’actualité qui ont précipité les enjeux francophones au plus bas tréfonds des préoccupations de l’opinion et des médias.
À mon grand regret, l’Économie Sociale continue, tout au moins par ses voix dites autorisées, à se montrer totalement indifférentes aux questions de langue française et de Francophonie. J’ai maintes fois plaidé pour un rapprochement, à mon sens naturel et bénéfique, gagnant-gagnant comme on aime à le dire de nos jours, entre ces deux axes de progrès social et d’émancipation économique, et je continuerai à le faire, malgré le peu d’écho que je reçois.
Il se trouve que je viens de parcourir un rapport, un de plus, qui plaide pour l’idée de sobriété. Les auteurs entendent démontrer qu’il existe des voies solidaires, alternatives, douces et inclusives pour conduire à son terme, dans le bonheur et l’allégresse, la transition qu’ils appellent de leurs vœux. Il n’est question dans leur poulet que de low tech, de think tanks, de deep learning, de bottom up, de smart cities et autres fadaises. Mais qui donc ces Diafoirus espèrent-ils séduire en utilisant à l’envi ce sabir de communicants impubères ? Je l’affirme : uniquement leurs semblables, comme eux suiveurs infatués, arpenteurs des chemins de grand chemin, bref, toute l’écume de l’insignifiance et du vide qui résonne creux !
Rien d’original ne saurait sortir de ce psittacisme aux ressorts plus pervers encore que ceux de la banalisation dénoncée naguère. Celle-ci consistait à proposer dans les mots, puis à imposer dans les faits, à d’authentiques entreprises d’Économie Sociale, une communication et des valeurs issues du capitalisme libéral. Mais le retour aux sources restait toujours possible, comme ont dû s’y résoudre Natixis ou le Crédit Agricole, après avoir stupidement perdu quelques gros milliards à la roulette boursière. Or dans la situation de nos adorateurs béats des modes d’expression (ne parlons pas de pensée…) venus tout droit d’outre Atlantique, aucune force de rappel n’existe puisqu’ils prétendent concourir dans la catégorie des projets, des utopies, des futurs qui chantent.
Le franglais n’est qu’un sentier sans retour vers l’enlisement dans une éphémère médiocrité.
L’Économie Sociale procède d’un postulat de solidarité entre les sociétaires. Mais la solidarité en soi ne veut pas dire grand-chose. Elle peut être extrêmement lâche, et ne reposer que sur un sentiment de connivence très ténu (l’humanité n’est-elle pas elle-même une grande famille ?) ou sur un intérêt matériel commun d’une triviale banalité ; elle peut, à l’inverse, s’appuyer sur des liens personnels très forts, des choix de vie exigeants, ou l’existence partagée de handicaps, de dangers, de menaces qui forcent à l’union. L’éventail des possibles est donc très large. Mais qu’il s’agisse de solidarités objectives ou de préférences fugaces, l’entreprise d’Économie Sociale est toujours plus qu’un club ou qu’une ligue, car elle doit assurer sa rentabilité, sa survie et son développement sur le marché. La cohésion entre ses sociétaires, leur responsabilité partagée, est alors une nécessité ; et ceci est d’une autre nature que la solidarité fondatrice.
La maîtrise d’une même langue par l’ensemble des sociétaires est un élément de solidarité possible, surtout si cette langue leur apparaît menacée ou minorée. Mais il y en a bien d’autres. En revanche, la négation du paramètre linguistique, l’usage immodéré d’un idiome transcontinental dominant, conduit à une certaine uniformisation des cultures, des modes de vie et de pensée, et par là, à une indifférenciation des modèles économiques.
Allons plus loin. Les diversités culturelles et linguistiques sont autant de sources potentielles de solidarités, sur lesquelles peuvent germer des entreprises d’Économie Sociale. Celles-ci, quand elles se pérennisent, apportent aux communautés de sociétaires le ciment, récompense de l’effort, qui leur assure cohésion et confiance en leur avenir. Elles contribuent surtout à stabiliser un modèle où les différences ne vont pas s’affronter dans une lutte pour la domination, mais pouvoir coexister et vivre en harmonie.
À l’inverse, le recours au globish paraît rapprocher les cultures, faciliter les échanges entre des populations différentes par leur langue et leur Histoire, mais ce n’est que pour les fondre peu à peu dans une même nuance de gris uniforme d’où auront disparu les solidarités d’origine, qu’on aura trop facilement accusées de perpétuer les antagonismes sociaux ou intercommunautaires. Ainsi, utiliser le globish pour promouvoir l’Économie Sociale, c’est comme arroser ses plantes avec du glyphosate, car c’est recourir à un principe dissolvant de chimie sociale qui transforme des personnes porteuses de solidarités enracinées en individus consommateurs interchangeables et sans attaches.
La biodiversité est devenue, et c’est tant mieux, une priorité mondiale. Il doit en être de même de la socio diversité, qui est tout autant menacée, et dont la renaissance est tout autant indispensable.
Francophonie : les forces en présence
Donc, l’édition 2022 du mois de la Francophonie sera morose, et ce n’est pas l’Économie Sociale qui pourra contribuer à l’égayer. Mais profitons-en pour faire un tour d’horizon, en nous limitant au territoire français métropolitain, des différentes forces en présence et des différents théâtres d’opérations.
Ceux-ci sont, en première analyse, au nombre de cinq, fatalement toujours quelque peu interdépendants :
la défense de la langue française proprement dite, notamment contre l’invasion des anglicismes et américanismes ;
la défense des langues régionales, des accents et des expressions locales ;
la défense et la promotion de l’utilisation du français dans les relations internationales ;
la promotion de la « préférence francophone » dans les domaines les plus divers de l’activité économique, des relations sociales ou de la vie culturelle ;
enfin, la Francophonie arborant sa majuscule, c’est à dire les institutions officielles et au premier rang, bien sûr, l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie).
Ne nous attardons pas sur la question de savoir au nom de quoi certains, peu nombreux, sont prêts à mouiller leur chemise pour la langue française, alors que d’autres n’en font aucun cas. Ne cherchons pas non plus à étendre à l’infini notre problématique vers la sociologie, la géopolitique ou l’histoire longue ; qu’il nous suffise de décrire qui fait quoi, qui est fort et qui ne l’est pas, où sont les blocages et où sont les atouts, enfin quelles sont les perspectives d’évolution.
Bientôt soixante années se seront écoulées depuis la parution du pamphlet d’Étiemble Parlez-vous franglais ? En ces soixante ans, combien le monde a changé ! Le mot de francophonie n’existait pas encore. Et cependant, le diagnostic porté alors n’a pas vieilli. La situation de la langue française s’est certes fortement aggravée, mais la nature des attaques qui lui sont portées, leur provenance, leur délétère récurrence ne semblent pas avoir varié d’un iota. Notre sinologue rimbaldien et trotskyste avait parfaitement décrit la rage d’une partie des élites françaises à dénigrer leur langue, à s’y essuyer les pieds, et à lui préférer en toute circonstance le sabir atlantique, si moderne, si efficace, si friendly.
Cette permanence de la corrosion du français par ceux qui devraient naturellement en être les plus fidèles soutiens semble défier les facteurs démographiques, économiques ou technologiques qu’on met généralement en avant pour expliquer l’évolution des sociétés. Il semblerait, hélas, qu’il en soit de même pour les quelques Hurons qui défendent notre langue avec acharnement. Il me faut rester prudent en la matière, car ces flibustiers sont trop peu nombreux pour relever d’une véritable analyse statistique. Néanmoins on reste frappé, quand il arrive de discuter avec certains d’entre eux, de constater combien ils en sont restés à la France des années Étiemble. Ils cultivent une sorte de nostalgie suraiguë d’un âge d’or du rayonnement français qui n’a jamais existé, ou alors au temps lointain de Rivarol.
Pourtant, les mouvements d’opinion en faveur de la préservation des sites, des espaces naturels ou du patrimoine en général rencontrent de plus en plus d’écho. D’où vient que la langue française n’en profite pas ? C’est que, je pense, les trésors à protéger ont affaire à des pollueurs, parfois conscients, parfois non, alors que le français subit, en plus, l’assaut de véritables ennemis. Et il est plus facile de se liguer contre des comportements que tout le monde condamne que contre des adversaires déterminés qui font montre d’une certaine logique.
Prenons le cas des océans, qui viennent de faire l’objet d’un sommet international. La nécessité de les protéger a peu à peu gagné l’ensemble des esprits ; cela n’a pas fait disparaître la pollution, mais la majorité des pollueurs admet désormais que c’est mal de dégrader l’environnement marin et qu’il leur faudra nécessairement, à terme plus ou moins rapproché, changer de comportement. Et s’il existe toujours des pollueurs cyniques et retors, il n’en sera néanmoins aucun pour revendiquer ses pratiques haut et fort, pour proclamer que l’océan est intrinsèquement mauvais, et donc qu’il est légitime et utile de l’abîmer. Or c’est ce qui se passe avec la langue française.
Car si certains la voient comme un monument en péril, si la grande majorité de ses locuteurs y sont relativement indifférents, si les institutions censées la défendre se défaussent trop souvent de leurs responsabilités, il existe des minorités actives qui la perçoivent comme une puissance oppressive à abattre. Ces dernières années, deux mouvements sont venus renforcer cette mouvance qui était jusqu’ici surtout le fait des publicitaires, de la presse féminine et des écoles de commerce : le courant dit « décolonial » et l’écriture dite « inclusive ».
Face à cette offensive, le rempart législatif et réglementaire apparaît particulièrement ténu. La « loi Toubon », qui était dès l’origine mal ficelée, n’est plus guère appliquée. Durant une première période, déjà lointaine, les associations habilitées à signaler les manquements les plus visibles à l’obligation de s’adresser au public en français ont pu, à travers une structure ad hoc baptisée « Droit de comprendre », faire systématiquement condamner les contrevenants par les tribunaux. Mais un beau jour, la Direction chargée de la répression des fraudes (DGCCRF), manquant de moyens, décida de ne plus s’occuper des dossiers ne portant que sur la loi Toubon. Il n’y avait sans doute pas là de mauvaise intention, mais personne n’ayant pris le relais, les associations se sont retrouvées seules, sans soutiens techniques ni juridiques, et surtout sans argent. Elles ont rapidement baissé les bras. Si elles avaient pu recruter des milliers d’adhérents, nul doute qu’elles auraient pu rétablir un rapport de forces en leur faveur. Mais nous en revenons là au problème précédent…
Aujourd’hui, les procès sont rares, et souvent perdus. Les juges semblent ignorer la loi, ou alors ils sont persuadés que le combat pour le français est une lutte d’arrière garde et que de toutes façons le globish triomphera. C’est ainsi que l’École Normale Supérieure, qui avait mis en place un cursus d’enseignement entièrement en anglais, a non seulement gagné son procès contre une association qui ne faisait que la rappeler à la loi, mais a obtenu d’elle, en plus, un dédommagement, récupérant ainsi à son profit la maigre subvention que l’État avait versé à cette association. Un comble !
Il existe une Commission de Terminologie qui est chargée de proposer des équivalents français aux différents termes nouveaux, presque toujours anglo-saxons, qui accompagnent les innovations techniques et les progrès des sciences. Les avocats des administrations et collectivités prises en flagrant délit (ou plutôt, en flagrant délire) de franglitude ont forgé un argument spécieux en faveur de leurs clients : si un terme étranger n’est pas traduit par la Commission de Terminologie, c’est qu’il est libre d’utilisation par un service officiel. Et des juges ont gobé cette ânerie. Sont bien entendu dans ce cas tous les mots anglais d’usage courant : let’s conduisant à l’affreux Let’s Grau qui souille le Grau du Roi, only qui nous a donné le stupide palindrome Only Lyon qui désespère Perrache ou easy qui nous transporte d’aise dans le RER avec le passe easy navigo.
Face à la démission de la Justice, que peut-on espérer des institutions ? L’Académie Française est, très récemment et pour la première fois, montée au créneau. Il faut s’en réjouir, mais cela reste très limité. Rien ne bougera, me semble-t-il, sans un mouvement populaire d’une certaine ampleur. Reste à savoir comment le susciter, et là, j’avoue ne pas connaître la recette miracle.
AIMER POUR NE PAS MASSACRER, NI LAISSER MASSACRER
Le combat pour l’intégrité et pour le rayonnement de la langue française ne passe pas par un renforcement de la loi Toubon, ni par des sanctions effectives à l’encontre des contrevenants, ni par une meilleure efficacité des commissions de terminologie, ni par l’évocation émue d’une grandeur nationale révolue et largement fantasmée ; il passe, beaucoup plus simplement, par la conquête des cœurs.
Certes, il nous eût été plus agréable que la magistrature et les élites qui nous gouvernent ne fussent point passées, avec armes et bagages, dans les rangs ennemis. Certes, chaque procès perdu nous fait mal, en ce sens qu’il marque un nouveau progrès de la bêtise et de l’inculture. Certes, on peut ressentir de doux frissons de béatitude en se laissant bercer par l’adoration d’images pieuses plus ou moins enjolivées. Mais foin de nos états d’âme ! Nous devons prendre acte des rapports de force.
Si l’ennemi peut se permettre de rire de la loi Toubon, c’est qu’il sait s’appuyer sur un double consensus que la modernité mondialo-marchande lui sert sur un plateau d’argent. Il y a, d’abord, l’intouchable Liberté, celle qui en principe ne s’arrête que là où elle commence d’empiéter sur celle d’autrui. Or il n’est rien de plus faux, car entre la liberté-caprice d’individus aisés, sans scrupules et sans attaches, et la liberté-refuge du bon peuple qui n’a que sa langue et sa patrie pour tout héritage, il y a une différence flagrante de temporalité. La première aura eu largement le temps de tout saccager avant que la seconde n’ait commencé à réagir. C’est donc au nom d’une Liberté sans aucune entrave que les publicitaires se sont arrogé le droit moral de massacrer la langue, droit que le législateur a refusé de leur contester, limitant ses recommandations aux administrations et autres services publics.
Et il y a, ensuite, cette théorie relativiste et perverse qui prétend que les langues ne cessent d’évoluer et de s’enrichir d’apports étrangers. Et qu’il ne faut donc pas s’offusquer de l’invasion des anglicismes, car après tout il y a beaucoup de mots français qui sont passés dans la langue anglaise. Je suis certain que les cuistres qui professent ce genre d’énormités le font de bonne foi. Si les armes de la couronne britannique portent les mots « Dieu et mon Droit » et « Honni soit qui mal y pense » c’est sans doute qu’un prince de Galles en culottes courtes a lu ça sur l’emballage de ses biscuits du matin et qu’il a trouvé que c’était joli, alors pour lui faire plaisir sa maman la Queen les a fait graver entre le lion et la licorne. Et quand on lui a expliqué que c’était du français il s’est écrié : Alors ça c’est cool !
Bien sûr que sur le temps long, les langues évoluent, et qu’elles se métissent lorsque des populations se rencontrent, ce qu’elles ne font pas toujours pacifiquement, d’ailleurs. De même qu’un paysage qu’on aime et qu’on veut protéger n’a pas toujours été identique à ce qu’il est aujourd’hui, et qu’il continuera de se modifier, ne serait-ce que par la croissance des arbres. Si ces changements se font lentement, en préservant l’harmonie d’ensemble, on les acceptera avec bonheur. Mais voici qu’arrive un car de touristes qui débarque sa cargaison de vandales pour un pique-nique champêtre. Ils vont piétiner les massifs de fleurs et ensemencer le terrain de leurs canettes vides et autres papiers gras ; faudra-t-il s’en féliciter ? N’y voir qu’une « évolution » aussi naturelle qu’inoffensive ? Un apport étranger bénéfique ? Le bon sens répond qu’il ne s’agit que de pollution, volontaire qui plus est, et qu’après un bon nettoyage l’endroit devra être fermé aux touristes mal élevés. Eh bien ! En ce qui concerne la langue, nous sommes exactement dans cette situation.
Si les habitants sont réellement attachés à la conservation de leurs paysages, ils sauront l’imposer. Et la loi, Toubon ou autre, ne sera pour eux qu’un accessoire ; quand le cœur commande, la tête suit. Dans le cas inverse, si le cœur n’y est pas, toutes les lois du monde n’empêcheront pas le saccage. Un bon exemple pourrait nous être donné par la Corse, où la langue joue pour les patriotes un rôle central, indiscuté parce que charnel, et non intellectuel ou purement procédural.
Or ce qui est le plus symbolique dans le dispositif institutionnel français est aussi ce qui en ressort comme le plus ambigu, le moins convaincant, le moins engageant : l’article 2 de la Constitution, qui commence par la phrase « La langue de la République est le français ». Les rédacteurs du texte avaient en tête l’État, l’Administration, les services officiels. Ils ont préféré un terme plus nébuleux et plus indéterminé, mais à coup sûr plus lyrique. On croit voir, on croit entendre une Marianne échevelée grimpant sur les barricades, exhortant les sans-culottes à jeter à bas la tyrannie, mais, en pur langage françois, s’il vous plaît. L’image est grandiose, mais elle ne sert à rien ni à personne.
Depuis une bonne vingtaine d’années, c’est à dire bien après la rédaction de notre article 2, on utilise beaucoup plus qu’avant le terme de République, mais dans un sens qui nous éloigne de l’opposition entre chose publique et chose privée ; les valeurs républicaines sont constamment évoquées, mais plus en rapport avec la laïcité et la cohésion sociale qu’avec la désignation des autorités officielles.
Moyennant quoi, il est devenu impossible de parler clair et de donner un sens aux mots, et à trop se référer à la « langue de la République » on en vient à sacraliser toutes les ambiguïtés que cette phrase charrie. C’est comme si l’on devait prendre au pied de la lettre chacune des paroles de la Marseillaise. C’est absurde, et aucun adepte du franglais ou de l’écriture inclusive ne sera intimidé si d’aventure on lui faisait grief de n’être pas un bon républicain.