Par Louis-Joseph Delanglade* (Source : JSF)
Lundi dernier, à Tokyo, M. Biden a déclaré que les forces américaines interviendraient pour défendre Taïwan si Pékin attaquait l’île. Propos immédiatement « nuancés » par ses propres porte-parole cherchant à faire croire que le président n’avait pas dit ce que l’on pensait avoir entendu. M. Biden est donc peut-être frappé de sénilité. Si ce n’est pas le cas, c’est un être rusé qui fait passer un message de fermeté à Pékin (« si vous cherchez la guerre, vous l’aurez »), d’autres se chargeant de faire croire qu’il n’a rien dit de tel et surtout pas remis en cause la fameuse « ambiguïté stratégique » (laisser l’ennemi dans le doute).
On sait que, depuis les années Obama, la Chine est l’ennemi stratégique des États-Unis. Or, Chine et Russie sont actuellement assez « proches », suffisamment en tout cas pour que les sanctions prises à l’encontre de Moscou ne soient pas du goût de Pékin : parce qu’elles les gênent aussi et, surtout, parce qu’elles illustrent ce que les États-Unis et leurs alliés occidentaux peuvent faire contre ceux qu’ils désignent comme des ennemis. Le pourtant très bien intentionné Pierre Haski a osé faire le lien entre conflit en Ukraine et tension(s) en mer de Chine, suggérant ainsi que l’affaire ukrainienne serait pour Washington un moyen indirect de faire pression sur la Chine (France Inter, 24 mai). Si on comprend bien, les Américains instrumentaliseraient en quelque sorte un conflit dans lequel ils ont certainement, à notre sens, des responsabilités.
Est ainsi avéré l’« entrisme » américain en Ukraine à la suite des événements qui secouèrent Kiev en février 2014 – qu’il se soit agi d’un coup d’état manipulé par une puissance étrangère, en l’occurrence les États-Unis, ou d’une véritable révolution populaire et nationale suscitée par un désir d’Europe et/ou d’Occident : dans la plupart des secteurs essentiels (militaire, économique, financier, etc.), des agents américains ont œuvré à détacher le pays et les esprits de l’orbite russe. On peut donc comprendre d’une part que la Russie a pu se sentir menacée d’encerclement hostile par les forces d’une Otan rejointe déjà par plusieurs autres pays frontaliers, d’autre part qu’elle a pu se sentir humiliée par la dépossession annoncée d’une partie essentielle, voire existentielle, de son aire d’influence historique. Cela ne justifie peut-être pas la guerre mais cela l’explique.
Si l’issue des hostilités reste incertaine, on sait que les pays européens, en principe non belligérants, seraient les plus, voire les seuls, exposés à un dérapage d’ordre militaire et que, de toute façon, ce sont eux qui paieront le prix fort sur le plan économique. A l’inverse de leur suzerain nord-américain. Dès lors, le jeu malsain des va-t-en-guerre, journalistes et politiques confondus, n’a d’autre explication que la russophobie hystérique dans laquelle nous baignons depuis plus de trois mois, russophobie, on nous l’accordera, largement propagée par la propagande américaine.
Depuis le début des hostilités en Ukraine, nos spécialistes du bavardage médiatique se demandent régulièrement quel est l’objectif de M. Poutine et jusqu’où ira la Russie et même si la Russie de M. Poutine ira quelque part puisque, à les en croire, elle serait une sorte de bateau ivre piloté par un psychopathe aux portes de la folie furieuse ou d’une mort prochaine. En revanche, personne ne s’est jamais demandé quels étaient les objectifs des Américains dans cette affaire.
Des Américains dont la lecture morale des événements, avec les Russes dans le rôle du méchant, est un peu trop simpliste, voire puérile, pour ne pas être suspecte. Comme est suspect ce saint homme de Biden qui ne rate pas une occasion de s’exprimer « pour l’amour de Dieu ».