Cette chronique est antérieure de quelques jours avant l’annonce d’une possible reprise de l’envoi de gaz russe vers l’Allemagne. Ce changement de pied peut évidemment modifier conjoncturellement la donne mais ne change rien aux hypothèses géopolitiques que doivent faire les décideurs ; entre pour ce qui concerne une « offre énergétique française » en Europe.
Par Michel Servion
Le spectre de la pénurie énergétique hante l’Europe
En soufflant le chaud et le froid sur les approvisionnements en gaz et pétrole, Vladimir Poutine pense ainsi déterminer les comportements politiques de l’Europe en général et de chaque Etat en particulier, même si évidemment, le facteur énergétique, pour être majeur n’est pas le seul à considérer.
Emmanuel Macron lui-même nous promet un « plan de sobriété énergétique » conséquence directe de la coupure du gaz russe. Les augmentations pour l’usager sont inéluctables et viendront s’ajouter à celles déjà bien connues des automobilistes. Et il n’y aura pas cette fois de recours au « quoi qu’il en coûte », l’État n’ayant ni la volonté, si surtout les moyens de payer des augmentations qui incomberont aux consommateurs. Le forcing sera donc fait sur les économies d’énergie tant pour ce qui concerne les particuliers que les collectivités et les entreprises. Au risque de freiner l’activité économique et d’accélérer in fine le déclassement de tout le continent européen, soumis, certes à des degrés différents suivant les pays, aux mêmes contraintes stratégiques (manque d’énergies fossiles, dépendances extérieures, contraintes d’approvisionnement, pressions écologistes, standards de vie énergivores …)
Les menaces qui pèsent sur les approvisionnements, notamment en gaz russe, sont très graves notamment pour l’Allemagne et la Pologne d’autant plus que ces deux pays, pour des rasions environnementales ne peuvent plus se (re)tourner que marginalement vers le charbon ou le lignite. L’augmentation des coûts irait de pair avec l’apparition d’une fracture énergétique qui viendrait s’ajouter aux fractures sociale, numérique, culturelles, qui fragmentent déjà, à des degrés divers, nos sociétés.
L’enjeu énergétique se dessine différemment d’un pays à l’autre. Notamment en termes de dépendance au gaz russe : ainsi est-elle de 100% en Macédoine (hors UE) et varie entre 75 et 100% suivant la totalité des PECOS sauf la Pologne (40%) et la Lituanie. Les importations allemandes gazières en provenance de la Russie sont de 49%. La France elle, ne s’approvisionne en Russie « qu »’à hauteur de 17% de ses importations en en gaz naturel.
En matière de pétrole il apparait aussi que la France est infiniment moins dépendante de la Russie que l’ensemble des PECOS ou l’Allemagne et surtout la Pologne ou la Finlande.
Les menaces et décisions de Vladimir Poutine ont plongé des États, mais à des degrés très divers suivant leur équation énergétique, leur degré de dépendance aux importations russes notamment. La France est moins touchée du fait de sa relative autonomie due à la part du nucléaire dans son approvisionnement. La France en effet compte le nucléaire pour 67% de sa production électrique (53% pour la Slovaquie – 48% pour la Hongrie) et l’Allemagne seulement 11,3%.
Disposant du deuxième parc nucléaire mondial, après celui des États-Unis, le France est-elle en mesure de proposer une alternative à la fermeture des robinets gazier et pétrolier russe ? Notons d’abord qu’il n’y a pas vraiment d’exception nucléaire française puisque ce sont 13 pays de l’UE qui se partagent 126 réacteurs. Il en existe 58 en France (par comparaison 37 en Russie, 15 en Ukraine, 7 en Belgique …)
Par son expertise, sa maitrise industrielle (même si les tergiversations politiques ont eu pour conséquence de freiner le développement de l’industrie nucléaire française) la France est en mesure de concurrencer l’offre américaine – qui, outre le nucléaire dispose d’une offre de gaz de schiste aussi onéreux que peu écologique.
Qui parmi nos acteurs économiques est disposé à s’engager dans la création d’un réseau d’influence pour promouvoir en Europe, notamment Centrale Orientale, une offre énergétique française ?