I – MAYOTTE-LA-FRANÇAISE
Par François Marclhac, directeur politique de l’Action française
Appartenir à l’Action française créé des devoirs, dont l’un des premiers est le devoir de mémoire. Et je ne parle même pas de l’Action française depuis ses origines, mais plus modestement de celle dont nous sommes les contemporains, que nous continuons de faire vivre chaque jour, en nous efforçant d’être dignes de l’abnégation de tous ceux qui nous ont précédés, de suivre leur exemple. Nous le devons d’autant plus en ces jours mouvementés, où s’étalent un peu partout, de manière décomplexée, des discours de haine à l’encontre de l’Action française et de notre école de pensée, dont la richesse intellectuelle tout comme la détermination tranquille de ses militants font des jaloux au sein du monde politique et, surtout, provoquent l’envie de ceux qui, notamment à gauche, n’ont pas rompu avec les relents aussi pavloviens que nauséabonds d’un passé marqué par le goulag autant mental que physique. Dès lors, nous attribuer leurs propres turpitudes ou leur propre manière d’envisager le monde est chez eux une tentation permanente, voire un réflexe prophylactique, notamment en matière de communautarisme ou de séparatisme, voire de racialisme (cache-sexe du racisme : il suffit de lire les analyses de Pierre-André Taguieff sur le sujet).
C’est pourquoi nous devons rappeler les grands combats que nous avons menés, sans même remonter à nos origines, mais seulement depuis la création de la VeRépublique. Il nous faudra bien sûr traiter la question douloureuse de nos compatriotes harkis livrés, eux et leurs proches, aux égorgeurs du FLN par les familles politiques de ceux qui, aujourd’hui, osent nous accuser de tous les maux. Mais commençons par un combat que nous avons gagné ou, plutôt, dont nous avons gagné la première manche, car il n’est toujours pas terminé, compte tenu de la situation présente de l’île : je veux parler de celui que nous avons remporté pour que les Mahorais, que la droite et la gauche dites de gouvernement voulaient exclure de la communauté nationale dans les années 1970, puissent demeurer français.
Pierre Pujo, notre directeur politique, en fit une affaire personnelle, mais évidemment, dans la droite ligne des enseignements de l’Action française et de son combat séculaire pour l’unité française, quelle que soit l’origine de ses citoyens. Je peux en témoigner personnellement puisque c’est le premier combat que je menais sous son égide, jeune militant de seize ans, et qui me valut pour la première fois d’être fiché par les RG, ce succédané de police politique aujourd’hui disparu — ils ont fusionné depuis avec la DST pour former la DCRI… Fermons la parenthèse.
Giscard, dans une politique de bradage tous azimuts de la France d’outre-mer (Djibouti, les Comores), appuyée par la gauche et une ONU prétendument anticolonialistes, voulait également brader l’île de Mayotte, qui appartient géographiquement à l’archipel des Comores mais en fut toujours historiquement distincte. Du reste, elle passa, au XIXe siècle, sous la souveraineté française bien avant les trois autres îles, pour échapper, déjà, à l’ambition et au pillage de ses voisines — l’histoire continue, malheureusement. Opposés à cette politique contraire à la fois à l’intérêt national et au vœu de la population mahoraise que le pays légal français voulait contraindre à quitter le giron national, Pierre Pujo et l’Action française contrecarrèrent de toutes leurs forces cette politique éhontée qui, de plus, mais la République sait composer avec ses principes lorsque cela l’arrange, contredisait le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Pierre Pujo retraça le combat de l’Action française pour Mayotte, dans un beau livre publié à l’époque par les éditions France-Empire et aujourd’hui en libre consultation partielle sur BnF Gallica, Mayotte-la-Française : c’était du reste le titre de la tribune qu’il avait publiée dans un quotidien de gauche, qui pratiquait encore la libre information et le libre débat : Le Monde (du 12 février 1976), après que les Mahorais, lors du référendum du 8 février, se furent prononcés à la quasi-unanimité pour leur maintien dans le giron français. Or que notait-il d’entrée de jeu ? Que la France officielle ne voulait précisément pas d’eux en raison de leur diversité : « Vous avez la peau noire, vous êtes musulmans, beaucoup d’entre vous ne connaissent pas le français : vous ne pouvez pas prétendre devenir des Français comme les autres », lui faisait-il dire (p. 10-11). « Pourtant, ajoutait-il quelques pages plus loin, les Mahorais, pour la plupart des Noirs musulmans, s’accrochaient à la France avec une volonté farouche. » (p.13) Giscard, puis Mitterrand ne firent-ils pas tout, aussi, pour empêcher Mayotte de devenir un département, le pays légal soutenant « que le statut de département d’outre-mer ne pouvait être proposé aux Mahorais parce qu’ils sont en grande majorité musulmans » (p. 137) ? Or le combat exemplaire de nos compatriotes mahorais a précisément démontré le contraire et, à reculons, le statut de département leur fut enfin accordé par l’Etat, un statut qu’ils demandaient avec force depuis l’origine parce que c’était pour eux la garantie de ne pas être exclus de la communauté nationale.
Oui, c’est grâce au combat obstiné de l’Action française — nous ne pouvons pas ici retracer toutes les embûches, parfois d’une rare mesquinerie, que Giscard mit à empêcher les Mahorais de demeurer français et que l’Action française dénonça — que nos compatriotes de l’océan Indien sont toujours français. Du reste, Olivier Stirn, alors secrétaire d’Etat aux départements et aux territoires d’outre-mer, le reconnut publiquement, en invitant le directeur de l’Action française à son ministère. Et, dans le numéro spécial de L’Action française 2000 du 29 novembre 2007, consacré à la mort de Pierre Pujo, le sénateur centriste de Mayotte, Adrien Giraud, tint à écrire : « Avec le décès de Pierre Pujo, les Mahorais viennent de perdre un ami sûr et un soutien fidèle de leur volonté́ de demeurer dans la souveraineté́ de la France. Nous l’avons accueilli à plusieurs reprises à Mayotte, comme nous avons apprécié́ en toutes occasions ses déclarations et ses articles de presse en faveur de Mayotte française et de son accession au statut de département d’outre-mer. La population de Mayotte me charge de présenter à la famille et aux amis de Pierre Pujo nos condoléances profondémentattristées. »
Des Mahorais demeurés français, mais toujours en butte à une situation que l’immigration incontrôlée venant des Comores voisines rend chaque jour plus intenable… Comme si la République voulait leur faire payer le prix de leur fidélité à la France.
Pierre Pujo et l’Action française s’étaient alors montrés fidèles non seulement à leurs compatriotes ultramarins mais aussi à la doctrine d’Action française, mettant en pratique leur hostilité historique à toute forme de racisme, à toute notion de « nation blanche », racisme auquel, du reste, Maurras montra son aversion dès le surgissement du mot, en 1895, dans un article retentissant, continuant ouvertement son combat dans L’Action française, non seulement durant les années 1930, mais aussi en pleine guerre, en 1940, notamment contre le nazi suisse Montandon émigré dans Paris occupé. Mais ils le firent aussi en appliquant ce « compromis parfaitement laïc » que Maurras, encore lui, appelait de ses vœux dès 1898, et dont la situation actuelle révèle toute l’urgence.
François Marcilhac
Conseils de lecture :
Pierre Pujo, Mayotte-la-Française, éd. France-Empire, 1976, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3336693q
Axel Tisserand, Actualité de Charles Maurras, éd. Téqui, 2019 notamment le chapitre « L’antiraciste Maurras en tête », pp. 241 sq.