Par Antoine de Lacoste
Le régime de Zelenski est en difficulté : les choses vont mal sur le front du Donbass à l’est. Après de très durs combats, les Russes ont pris la ville de Solédar et menacent d’encercler Bakhmut (Artémivsk en Russe). Une telle éventualité leur ouvrirait la route de Slaviansk, ville conquise par les séparatistes en 2014 puis reprise par les Ukrainiens. Tout un symbole.
Pour parer au plus pressé, les Ukrainiens ont dû dégarnir leur front sud, du côté de Kherson et de Zaporojie, et envoyer des milliers d’hommes tenter de colmater les brèches du Donbass. Cela retarde d’autant la fameuse offensive ukrainienne tant annoncée qui devait permettre de franchir le Dniepr au-delà de Kherson, de reprendre la centrale nucléaire de Zaporojie puis de foncer vers la Crimée.
Ce joli plan devait parachever les succès antérieurs dans le nord et l’évacuation de Kherson dans le sud. Le monde occidental était optimiste et nos généraux de plateaux satisfaits : la Russie allait perdre la guerre à cause de ses erreurs et grâce à la vaillance de l’armée ukrainienne. Sans compter qu’elle n’aura bientôt plus de munitions…
La réalité est bien différente. Les revers russes étaient largement dûs à une insuffisance d’effectifs, trop étirés sur un immense front. Lancée avec 150 000 hommes, « l’opération spéciale » ordonnée par Poutine le 24 février 2022, devait, en quelques jours, provoquer l’effondrement de l’armée ukrainienne et le départ de Zelenski. Les Russes ont sans doute sous-estimé dix ans de présence américaine en Ukraine : ils étaient attendus (espérés même) et l’ont payé cher.
Tirant la leçon de cet échec, le maître du Kremlin, a décidé de s’installer dans la durée en lançant une mobilisation de 300 000 hommes, d’autres suivront peut-être. Les médias occidentaux, avec une touchante discipline, ont relayé en boucle les images de Russes fuyant leur pays pour ne pas avoir à se battre. Les plus riches sont à Courchevel, d’autres en Géorgie ou au Kazakhstan. Mais ce mouvement eut une ampleur bien moindre qu’annoncée. Rien à voir avec les millions d’Ukrainiens partis en Occident (et pas seulement les femmes et les enfants) et que nous entretenons bien gentiment depuis. Il se murmure aussi que des milliers de jeunes Polonais sont partis, tant l’implication militaire croissante de leur pays les inquiète. Mais rassurez-vous, ce n’est pas à la télévision française que de telles images seront diffusées : l’information est sous contrôle.
Depuis cette mobilisation et la réduction du front, les Russes sont repassés à l’offensive avec succès. Admirons au passage la rhétorique de nos généraux pour qui chaque retrait russe s’effectue au prix de très lourdes pertes (sauf pour Kherson soyons juste) et chaque succès a provoqué une hécatombe dans ses rangs. On se demande avec qui ils ont récemment gagné du terrain.
Les Américains sont maintenant inquiets, car si les Russes ne peuvent pas se permettre de perdre cette guerre, l’OTAN non plus. Certes, jusqu’à présent les bénéfices sont grands pour la puissance tutélaire de l’Europe : cette dernière a remplacé le gaz russe par le GNL américain, plus cher mais tellement plus moral. Les vieux stocks d’armes sont gentiment écoulés et permettront une modernisation de toutes les armées occidentales pour le plus grand bonheur de l’appareil militaro-industriel américain.
Mais, contrairement à la légende, l’Occident est plus isolé que la Russie : le Proche-Orient, l’Afrique et même l’Amérique du Sud n’emboitent pas le pas à l’Amérique dans sa croisade anti-russe. Le fiasco de la visite de Biden en Arabie Saoudite est très frappant à cet égard. L’Asie ne va guère mieux, hormis bien sûr la Corée du sud et le Japon, fidèles au poste.
De plus, contrairement aux prédictions du ministre que le monde entier nous envie, l’économie russe ne s’est pas effondrée. Le gaz et le pétrole sont vendus à l’Inde et à la Chine qui en revend d’ailleurs une partie à l’Europe, plus cher comme il se doit. Les réserves financières sont intactes et le rouble se porte fort bien : la banqueroute annoncée n’aura pas lieu.
Devant le risque d’échec qui se profile pour l’OTAN, les Atlantistes se déchaînent. Aiguillonnés par Zelenski, ils poursuivent une course aux armements qui prend un rythme effréné. Les chars lourds sont entrés dans le débat, à quand les avions ?
Les voix dissonantes, ou seulement prudentes, sont rares et vite marginalisées. On peut toujours critiquer le contrôle de l’information en Russie, l’Occident n’est pas en retard.
Il faudrait tout de même faire attention : les buts de guerre de l’OTAN, donc de l’Amérique, sont inconnus et si les Russes estiment à un moment donné que leurs intérêts vitaux sont en jeu, tout ceci pourrait nous entraîner bien loin.