Par Philippe Mesnard
Or donc, Macron est allé en Chine après être allé aux États-Unis, dans le but de ranger la Chine derrière l’Union européenne.
Une nouvelle fois, le résultat ne s’est pas fait attendre : trois semaines plus tard, l’ambassadeur de Chine en France a expliqué que la Crimée était russe et Pékin a attendu plus d’une journée pour le démentir. Nul doute que la Chine peut être une faiseuse de paix. Nul doute que personne n’en attribuera le crédit au président français. Pour bien manifester au monde entier que la France n’est rien, le ministère français des Affaires étrangères a reçu lundi 24 avril l’ambassadeur de Chine à Paris en lui enjoignant de « faire un usage de sa parole publique qui soit conforme avec les positions officielles de son pays », ministère dixit. Houlà. Xi Jinping en tremble encore. Sinon, son ambassadeur n’est même pas déclaré persona non grata. Rappelons que le même ambassadeur s’était déjà fait publiquement morigéner en 2021. Ça n’avait visiblement pas ému les Chinois. Le même lundi 24 avril, les Comores, qui sont une puissance plus petite que la République populaire de Chine, ont fait savoir qu’« aucun expulsé ne rentrera dans un port sous souveraineté comorienne », puisque la France prétendait renvoyer chez eux les étrangers en situation irrégulière grâce à l’opération Wuambushu, qui signifie, au choix, reconquête (les journalistes bienpensants préfèrent écrire reprise) ou poil-à-gratter (car c’est Darmaninqui a conçu l’opération). Le préfet de Mayotte a immédiatement fait savoir qu’il espérait reprendre rapidement les rotations de bateaux vers le port de Mutsamudu. Tant de roide fermeté a considérablement ému les Comoriens et la communauté internationale. La France était une puissance moyenne. Elle n’est plus qu’un pygmée dirigé par un nain juvénile.
Confisquer les casseroles
Mais en France, Macron s’enivre de son pouvoir. Après avoir délégué à des ministres compétents l’intendance, il s’est emparé des sujets sérieux dont il discute avec onze lecteurs du Parisien : par exemple, l’incivisme des manifestants, qui falsifient la réalité : « Quand je vais dans un village sans être annoncé, il n’y a pas de casseroles et je parle avec des gens parce qu’il n’y a pas d’organisation de la contestation. Ce n’est pas falsifié. » La vraie réalité, c’est celle où Macron peut parler avec des gens qui sont heureux de rigoler avec lui en évoquant Schiappa dans Playboy. La fausse réalité, c’est celle où un homme de 91 ans meurt aux urgences du CHU de Grenoble, le 12 avril, après avoir attendu trois jours durant dans un lit qu’on l’hospitalise en gériatrie. La vraie réalité, c’est Patrick Vignal, député Renaissance, disant à Macron, en l’accueillant dans l’Hérault en pleine tournée d’apaisement, qu’il est « prêt à faire la guerre » : aux Français ? Mais non ! Aux politiciens, corrige-t-il auprès des journalistes, en étant aussi convaincant qu’un ambassadeur chinois. Il faut muscler la démocratie, conclut-il. Pauv’tite démocratie tout choupinou-malingre ! Qu’elle est tout harcelée par les casseroles inciviles ! Heureusement qu’un préfet courageux les a interdites avec un arrêté assimilant leur usage à un acte terroriste. Les gendarmes, qui avaient déployé un beau zèle à traquer les promeneurs au fond des bois pendant le Covid, retrouvent enfin une mission à la hauteur de leur engagement républicain : confisquer les casseroles. Et dire que certains trouvent que les forces de l’ordre sont inefficaces !
La France est devenue un jeu de réalité virtuelle
Où qu’on tourne le regard, on est accablé. Les déclarations se succèdent, ronflantes, immédiatement démenties par les faits – falsifiés par des casseroles haineuses, sûrement – ou même immédiatement dévaluées par celui qui les prononce : PapN’diaye est-il vraiment bien placé, avec ses enfants à l’École alsacienne, pour demander à l’école privée de favoriser la mixité sociale ? Élisabeth Borne a lancé une mission interministérielle en janvier 2023 pour qu’elle fasse des propositions, entre autres sur la relocalisation des produits de santé stratégique. C’était un des objectifs du mirifique plan France Relance 2030 de… septembre 2020. Rien n’a bougé. « 80 % des quelque 260 sites de production [pharmaceutique] en France sont positionnés sur des produits anciens à faibles marges et l’on ne produit que 5 à 10 % de produits innovants dont on a besoin » dit Frédéric Bizard, économiste de la santé, professeur à l’ESCP. Tous les spécialistes dénoncent un marketing politique incohérent – alors qu’il y a la vraie réalité des fausses promesses macroniennes et la fausse réalité de leurs vraies expertises ! La France est devenue un jeu de réalité virtuelle, Wuamboudchou, dont un gamin impatient essaie de changer les règles en apostrophant l’éditeur américain du jeu, le fabricant chinois de la console ou le revendeur allemand, avant de se rendre compte de son impuissance et de donner des coups de pied rageurs dans les tibias de ses parents. C’est trop tard, le morveux, à qui on a trop dit qu’il était chou, est irréformable.