Ou comment donner le même esprit aux hommes et ôter tout le sel de la société pour voir naître l’ennui et l’uniformité
Par Ina Phisinov – 15 septembre 2023
Intensification et fluidification des échanges, accélération des mouvements, internationalisation, transnationalisation… mais qu’est devenu notre monde ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? Pourquoi ? Pour quoi ?
Entre le château Saint-Ange et le palais Farnèse mis à l’honneur par Puccini, la fontaine Trevi chantée par Togliani, je flâne dans les « rues de Rome [où] j’aime me promener, je vais du Forum jusqu’au Colisée, le long des ruelles rouges et orangées, je vois les églises et les vieux palais, les sept collines semées d’oliviers », comme le dit Brillant. La douceur de la ville éternelle que je visite souvent… mais je ne la reconnais plus ! Où sont passés les vieux Italiens assis au milieu du bric-à-brac de leur « Bibite » ambulant ? Où sont partis les pizzaïoli qui parlaient avec leurs mains blanches de farine ? Que sont devenus les marchands à la sauvette de roses et autres babioles qui de leur logorrhée chantante étaient capables de persuader un barbu qu’il avait besoin d’un rasoir ? Désormais les vendeurs de boissons devant le Vatican sont les mêmes que ceux qui arpentent les plages de Ténérife ou descendent les marches du parvis du Sacré-Cœur !
La mondialisation, tant vantée par ceux qui nous dirigent, nous tue ! C’est l’uniformisation culturelle qui avance à grands pas ! Aujourd’hui, que vous partiez en vacances à Lisbonne, à Aurillac ou à Athènes, que vous musiez dans les rues de San Sebastian, de Berlin ou de San Francisco, vous croisez les mêmes profils qui vendent la même bouffe malsaine et remplacent les autochtones parce qu’ainsi va le monde ! Parce qu’on nous dit que c’est ainsi qu’il doit aller pour que nous vivions mieux, pour que nous soyons modernes, dynamiques et ouverts aux autres ! Cette supra-culture, anglo-américaine disons-le, nous est imposée, de façon insidieuse et déterminée qui, peu à peu, gomme les particularismes français, italiens, belges et, au-delà, biarrots, florentins ou madrilènes pour que naisse un individu nouveau, sans attaches, sans traditions, sans passé, sans culture… malléable à souhait.
Alors ce n’est pas étonnant que la cérémonie d’ouverture de la coupe du monde de rugby fasse grincer des dents. Pensez donc, béret, baguette, marcel, coq… trop franchouille ! Le « citoyen du monde », moderne, dynamique et ouvert aux autres (surtout quand l’autre n’est pas de chez lui) qu’est le bobo qui se considère comme faisant partie de l’élite et se sustente de graines pour protéger la planète en n’ingérant pas de viande, la « citoyenne du monde » qu’est « Madame Moyen » qui coupe une de ses mèches de cheveux en soutien aux Iraniennes, le jeune « citoyen du monde » qu’est Kévin-Matteo qui fait grève le vendredi après-midi pour sauver la Terre mais certainement pas pour sécher les cours de la dernière demi-journée d’école de la semaine… tout ce petit peuple a trouvé la mise en scène de Jean Dujardin « kitch », « réac », « trop cliché », et finalement née d’un esprit de droite nauséabonde !
L’oligopole culturel nous guette, même plus en embuscade, il avance à découvert, saccageant toutes les traditions sur son passage, piétinant tous les particularismes qui l’empêcheraient d’œuvrer pour son intérêt ; et le chef des « Franchouilles », copieusement hué vendredi dernier avant le coup d’envoi de France/Nouvelle Zélande, en est le digne représentant, le plus assidu des VRP… Pauvre France !
En tout cas, moi, j’ai adoré le spectacle qui nous a été offert en mise en bouche rugbystique !