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L´EDITORIAL DE FRANCOIS MARCILHAC

LE « FANATISME DE L’INDIFFÉRENCE »

Le « fanatisme de l’indifférence » : Quel bel oxymore ! Quel bel oxymore jésuitique ! D’ordinaire, le fanatisme et l’indifférence s’excluent. En les associant, à Marseille, ce samedi, le pape qui, en d’autres circonstances, se demande qui il est pour juger, se fait procureur et juge — deux fonctions d’ordinaire incompatibles. Car, à la fois, il accuse et il condamne — l’Inquisition, jadis, y mettait au moins les formes —, ne laissant aucune chance à la défense qui, il est vrai, n’a droit qu’au silence, puisqu’il s’agit de l’Europe « opulente ». Le pape a également appelé, filant en métaphore la réalité tragique de la noyade de milliers de migrants dans la Méditerranée depuis plusieurs années, à « un sursaut de conscience pour prévenir un naufrage de civilisation ».

UN PAPE ESTHÈTE ?

Certains, surtout à droite, reprochent au pape de « faire de la politique » : c’est un reproche que, quant à nous, nous ne lui ferons pas. Le pape fait ce qu’il veut. Et il a bien raison. Du reste, souvent pour le pire, parfois pour le meilleur, les papes ont toujours fait de la politique et ils en faisaient, pour le meilleur, lorsqu’ils désignaient les Robertiens comme dynastie légitime en sacrant Hugues Capet à Noyon en 987. Certes, aujourd’hui, les choses ont changé mais les rois, précisément, du moins les rois français, se sont toujours voulu empereurs en leur royaume, à la fois contre l’Empereur mais aussi contre les prétentions abusives de la papauté en matière temporelle. Qu’est-ce à dire ? Que les Français, même catholiques, lorsque le pape fait de la politique, ont eux aussi le droit d’en faire et de le critiquer. Surtout si son action politique s’accompagne d’un jugement moralisateur qui les condamne non seulement sans appel mais même sans avoir été préalablement entendus. Et même s’il a parlé à l’Europe en général, venant apporter la caution vaticane à la politique de la Commission européenne en matière migratoire, il a su aussi parler à la France en évoquant une opposition désormais factice entre une assimilation rendue impossible à la fois par la quantité des migrants, et, liée à celle-ci, par leur opposition culturelle à une Europe laïque car chrétienne, et une intégration qui cache mal un « rêve » américain d’inclusion, fondement des sociétés multiculturelles et poly conflictuelles. Car ce sont elles qui créent à la fois les ghettos et exacerbent les racismes : une société inclusive n’a plus de bien commun — le respect des différences n’est pas suffisant, à lui seul, à en fonder un, surtout si le pays qui en est l’objet n’a plus lui-même de « marqueur » ou d’« identité ». Dans une telle société, le baptême de la France, si chère à saint Jean-Paul II, n’a plus aucun sens, puisqu’il faut encore exister et être (chez) soi pour accueillir l’autre avec sa différence sans avoir à le considérer comme un envahisseur — car cette différence doit être autorisée dans de justes proportions. Le pape, qui va jusqu’à faire de l’humour sans le vouloir — preuve qu’il parle de ce qu’il ne connaît pas — quand il ajoute : « Marseille nous dit que malgré les difficultés, la convivialité est possible et qu’elle est source de joie », fait un aveu troublant quand il ajoute qu’« une marée de peuples a fait de cette ville une mosaïque d’espérance ». L’effet d’ensemble (l’espérance) d’une « mosaïque » tient à l’éloignement, il est trompeur : une mosaïque juxtapose, elle n’intègre pas. Le pape François est peut-être avant tout un esthète, confondant les merveilles autorisées par le travail acharné, du reste, de l’artiste, et la logique des peuples, une logique d’autant plus prégnante et source de conflits qu’elle est à la fois charnelle, culturelle et religieuse.

UN PAPE UTOPISTE

Mais nous avons surtout retrouvé le pape idéologue, car, soyons honnêtes, il n’a rien dit de nouveau à Marseille sur la question des migrations, cherchant seulement à frapper les esprits, par l’intermédiaire des médias mainstream, en recourant à la surenchère verbale.  Il a ainsi recouru au double langage quand il souhaite que les pays européens « assure[nt] en fonction des possibilités de chacun, un grand nombre d’entrées légales et régulières, durables » (les « possibilités » sont donc balayées aussitôt qu’évoquées) — en sus des entrées illégales ? Elles existeront toujours. Il a également montré une vision naïve d’une Mare nostrum qui ne fut un havre de paix (ou presque) que lorsqu’elle fut une mer impériale. C’est parce qu’elle est devenue la mer intérieure (« notre mer ») de l’Empire romain qu’elle put être « le berceau de lacivilisation ». Et favoriser notamment, du moins un temps, l’extension du christianisme. Autrement, elle fut toujours la mer des conflits, des pirates, des invasions, la présence française dans une partie de l’Afrique du Nord calmant un temps certaines ardeurs et certains appétits belliqueux. Incohérence, aussi, ou aveuglement, plus que double langage, quand il dénonce à juste titre « les trafics odieux » des migrants mais donne sa caution morale aux ONG qui, en étant complices des passeurs, entretiennent, par l’appel d’air qu’elles provoquent, ces trafics et sont en grande partie responsables du fait que la Méditerranée soit devenue « Mare mortuum », un « immense cimetière ». Comment peut-on à la fois dénoncer un phénomène et en saluer les causes ? Tout simplement, parce que ce pape, qui n’a pas de mots assez durs pour les « nationalismes belliqueux », considère que « le phénomène migratoire » est devenu « un fait de notre temps ».  En quelque sorte, nous assistons à un accouchement douloureux, comme tous les accouchements, de l’histoire. Pour le pape François, il y a un sens de l’histoire, au sens où l’entendent les progressistes. En revanche, pas un mot sur la misère morale, culturelle et économique grandissante de ceux qui vivent dans une Europe paraît-il « opulente » — qui fréquente le pape ? Les gilets jaunes ? — La précarité ne touche pas que les migrants dans leur pays d’origine.

En diluant le message évangélique dans le cosmopolitisme, en faisant du même coup du village mondial la préfiguration de la Jérusalem céleste, le pape fait un beau cadeau au mondialisme, qui repose sur un matérialisme pernicieux et dévastateur : celui du consumérisme, ce « rêve » — le rêve est-il devenu une vertu chrétienne ? — qu’espèrent venir réaliser les « migrants » dans l’Europe prétendument opulente. Car, esthète, François est également utopiste : pour lui « la communauté des nations » que l’immigration favorise est bien un « rêve ». 

Le pape a tenu également à rendre hommage aux victimes de l’attentat de Nice. Il a été réalisé par un Tunisien qui avait réalisé son « rêve » de venir en France. 

François Marcilhac