Pour ses 65 ans : un nouveau lifting de la constitution ?
Son soixante-cinquième anniversaire va-t-il être l’occasion, en guise de cadeau, pour la Constitution de la Ve République, d’un nouveau lifting, afin de cacher — ou de mettre en valeur, car il n’y a rien de pire qu’un lifting raté — son vieillissement avancé ? Pêle-mêle, retenons, à la suite de son discours du mercredi 4 octobre devant le Conseil constitutionnel l’élargissement de l’article 11 afin d’ouvrir le référendum à « des domaines importants pour la nation qui [y] échappent », le fait de rendre « plus simple » la mise en œuvre du référendum d’initiative partagée, (RIP) « aujourd’hui excessivement contrainte », l’inscription, plutôt que du droit (version de l’Assemblée), de « la liberté des femmes (version du Sénat) de pouvoir recourir à l’interruption volontaire de grossesse », de nouvelles mesures concernant la Nouvelle-Calédonie et, surtout, l’inscription de la Corse qui, « par sa singularité insulaire et méditerranéenne » – une double nouveauté ! —, compte tenu» aussi «des insuffisances de la mise en œuvre de la Loi organique existante et à la lumière de la situation politique de la dernière décennie, ouvre la voie à une forme d’autonomie». Enfin, dernier dada, car l’initiative avait échoué en 2021 en raison d’une querelle, là encore sémantique, entre l’Assemblée et le Sénat, inscrire la « protection du climat » dans la Constitution, histoire de la verdir un peu. « L’idée d’inscrire la protection du climat au cœur de nos normes constitutionnelles peut s’avérer aussi un signe d’engagement de notre nation en train d’inventer son propre chemin » (sic), a déclaré Macron avec sa capacité inimitable de dire n’importe quoi d’un air sentencieux.
A boire et à manger, donc, mais rien ne dit que Macron cherchera à faire aboutir ces réformes en usant d’un seul et unique moyen : le référendum ou le Congrès, d’autant que, pour chaque mesure, il faudra l’accord préalable des deux chambres sur un même texte : ainsi le veut l’article 89. Mais surtout, on voit combien le politicien se mêle au politique, au sens noble du terme, dans cette bouillabaisse macronienne. Et combien le texte constitutionnel n’est plus considéré que comme le moyen de faire passer de manière plus ou moins solennelle les exigences du moment, qui ne sont peut-être pas celles, pérennes, d’une nation. Ainsi, l’inscription de la « liberté » d’avorter est là pour satisfaire les exigences sociétales d’un féminisme ringard qui a besoin de crier au loup pour continuer d’exister. Surtout ce sera la porte ouverte à d’autres exigences sociétales en matière de mariage, de procréation, de « genre » ou d’euthanasie, dans le but de bloquer toute « régression », le jour où… Malheureusement, on ne voit, aujourd’hui, pas bien lequel et surtout avec qui, mais le fait est là : la Constitution doit servir de nouvelles tables de la loi (au sens religieux du terme), même si, les Etats-Unis eux-mêmes l’ont montré, il s’agit précisément d’un enfantillage : une Constitution n’a jamais empêché un peuple de reprendre son destin en main lorsqu’il le désirait.
S’agissant de la Nouvelle-Calédonie, l’étape constitutionnelle est incontournable, presque technique, puisque les accords de Nouméa sont arrivés à échéance. Les trois référendums ont eu lieu et ont confirmé l’ancrage de l’archipel dans la nation, en dépit de la mauvaise foi des indépendantistes. Tout dépend évidemment du nouveau statut qui sera discuté et… adopté par référendum, avec, on ne peut que l’espérer, un élargissement du corps électoral. Pour la Corse, c’est tout autre chose : Macron prend acte de trois phénomènes d’ordre différent : une réalité géographique, une réalité d’ordre politique, voire politicienne, l’ancrage de l’électorat corse dans le « nationalisme » depuis une décennie que durcit le regain de violence à la suite de l’assassinat de l’assassin du préfet Erignac, et une réalité d’ordre institutionnel : un régime aujourd’hui bâtard qui ne donne satisfaction à personne.
Les « nationalistes » corses veulent que leur île soit considérée comme un territoire d’outre-mer jouissant d’une large autonomie, pour les plus radicaux d’entre eux, comme prélude à l’indépendance. Darmanin avait, lors de son voyage dans l’île à la suite de l’assassinat de l’assassin du préfet Erignac, levé le tabou de l’autonomie. Macron le confirme, avec son bavardage habituel « ni sans l’Etat ni contre l’Etat » (sic). Autant dire qu’il n’a encore rien dit. Quelles seront les lignes rouges, notamment en matière d’égalité des citoyens français devant la loi (on sait que la Nouvelle-Calédonie a constitué un dangereux précédent en la matière) ? Jusqu’où ? Comment ? Avec quelles ressources ? Bref, on ne peut qu’attendre avant de se prononcer, mais nous savons que République, France et décentralisation forment un trouple fort peu stable. Soit la République centralise pour assurer son unité, mais elle étouffe la France, soit elle décentralise mais, ce faisant, elle s’autodissout tout en démantelant la nation… Refrain : seule une monarchie royale ferme sur les principes de l’intégrité nationale pourrait assurer une diversité réelle, même institutionnelle, dans l’unité.
S’agissant de l’élargissement de l’article 11 ou de la simplification du recours au RIP — une mascarade qui le restera, car le pays légal n’acceptera jamais d’être dépossédé en amont de son monopole législatif —, on voit combien le politicien pollue le politique, car il ne s’agit rien de moins que de revenir à la question posée dès 1789 par l’usurpation du mandat du pays réel, que les délégués des Etats généraux ont commis en se proclamant « Assemblée nationale », leur première mesure ayant été de mettre les cahiers de doléance au pilon. Quelle est la place du peuple dans le processus législatif ? Mais il s’agit pour Macron simplement de faire de l’affichage : un référendum sur l’immigration (nécessitant une réforme de l’article 11) occupe l’imaginaire populiste ? Nul doute que le pays légal saura faire en sorte de stériliser tout débat en ce sens, ou de revenir sur un référendum qui ne lui aurait pas donné satisfaction. Le précédent du traité constitutionnel est dans tous les esprits.
Enfin, l’inscription de la protection du climat, à laquelle tient particulièrement Macron pour plaire aux écolos peut paraître du simple bavardage : on aurait tort. On le croyait, on le sait aujourd’hui, à tort, de l’inscription du principe de précaution par Chirac. La protection du climat pourra être invoquée pour interdire toute mesure qui déplairait aux écologistes radicalisés et/ou aux ennemis de notre réindustrialisation ou du développement de notre agriculture. Méfiance, donc !